Seconde partie des Profonds mystères de la Cabale Divine de Jacques Gaffarel.
Hommes chétifs et aveugles ! pusillanimes et sacrilèges, ensevelis dans les ténèbres épaisses de l’ignorance ! Chaque fois qu’un fait extraordinaire, admirable, s’offre à vos yeux ou vous est raconté, vous criez au prestige de l’enfer et qualifiez le prodige d’œuvre diabolique ?
De même, les peuplades sauvages du Nouveau Monde, lorsqu’elles virent pour la première fois les Espagnols, les prirent pour des Dieux, pour les fils des Nuées célestes, parce que leurs canons imitaient le tonnerre, qu’ils faisaient parler les hommes entre eux au moyen de l’écriture, ignorée de ces pauvres sauvages, et que les cloches de leurs horloges sonnaient toutes seules !
Elles croyaient également que leurs navires étaient tombés du ciel, que leurs cavaliers, tels les centaures, avaient été créés ainsi par la Nature.
Les anciens cabalistes désignaient toutes les parties, ci-dessus énumérées, de la Cabale par un mot unique גנת.
En effet, les trois lettres du mot indiquent, chacune, le sujet traité dans chaque division correspondante de l’art cabalistique.
Gimmel se réfère à la gématrie ; Nun au notariacon (Ars notaria) ; Thau à la themurah.
De cette façon, la Cabale se trouve divisée en trois parties : la gématrie (géométrie) ou science des nombres, qu’elle étudie dans leur abstraction ; le notariacon, qui traite des abréviations de l’écriture et de la transposition des lettres.
La première de ces divisions se rapporte au Bereschit ; elle étudie la transposition des syllabes et des termes ; les correspondances des lettres, les révolutions des mots et celle des nombres.
La seconde règle l’emploi des lettres pour remplacer le mot entier (abréviations), usage courant encore chez les notaires. Elle était très usitée chez les Romains. Ils l’employaient surtout dans leurs formules judiciaires et presque dans toutes les inscriptions placées sur leurs monuments et leurs statues, exemple : H. M. E. T. H. N. S. et S. P. Q. R., formule si connue, où chaque lettre signifie le mot entier qu’elle représente.
La troisième partie s’occupe de la transposition des lettres ; elle consiste à écrire un caractère à la place d’un autre, d’après une méthode spéciale.
Quelques exemples feront saisir cette méthode :
Dans le premier chapitre de la genèse, le premier mot : Bereschit, est traduit : dans le commencement.
Or, de profonds théologiens affirment que le mot « Bereschit », signifie : J’établirai le fils, parce que le Père éternel, depuis le commencement, c’est-à-dire de toute éternité — s’il est permis de s’exprimer ainsi — a engendré son Fils unique ; et que ce Fils, depuis le commencement des Temps (ce que l’Apôtre saint Paul appelle la Plénitude), devait s’incarner dans le sein d’une Vierge très pure.
Or, tout cela se trouve contenu dans le mot Bereschit lui-même, pourvu qu’on y fasse cette légère transposition אשריבת, ce qui veut dire : fille bienheureuse ou fille des béatitudes, ou encore fille des félicités célestes ; toutes expressions qui désignent excellemment la vénérable et très sainte Vierge Marie.
Celle-ci n’est pas, en effet, comme la première Eve, mère des calamités, fléchissant sous le poids des misères, des épreuves de toutes sortes ; mais bien la Mère nouvelle des Miséricordes, la Vierge remplie de grâce, sur laquelle s’est reposée l’ombre du Saint-Esprit.
Et, de même que, dans le mot Bereschit, Aleph et Beth nous révèlent le Fils unique du Père ; de même, dans le mot suivant אלהים.
Dieu, nous trouvons l’indication de la mère de ce Dieu.
En effet, la première et la dernière lettre du mot : Aleph et Mem, réunies, donnent אם, qui signifie mère.
Mais, un autre mystère est également révélé par ces noms : Bereschit et Alœhim, dans lesquels les cabalistes trouvent la révélation du Fils vivant de Dieu.
En outre, les mots : Bereschith Bara-Elohim, s’appliquent à la mort du Christ : car les dernières lettres de ces trois mots Aleph, Mem, Thau, forment אמת (vérité) et disposées d’après les règles de la Cabale, signifient : L’homme-Dieu est mort [3], et en lui était la vérité.
D’autre part, en se basant sur la valeur numérique des lettres de ce même premier mot Bcreschit, les mêmes savants Cabalistes fixent exactement la date de la Nativité, du Crucifiement, de la Résurrection et de l’Ascension glorieuse de Jésus-Christ, notre Sauveur !
Bereschit, lu ainsi étymologiquement בר אשית bar aschith signifie : je vous donnerai mon Fils, et indique le temps dans lequel ce Fils sera donné ; la date est exactement confirmée par la valeur numérique des lettres du mot Messie (envoyé).
Voici comment on procède : on extrait, d’abord, du nom les lettres dont la valeur est supérieure à cent (d’après la numération des Hébreux) : ainsi Resch, 200 ; Schin, 300 ; Thau, 400.
Décomposant ensuite le mot Bereschit dans toutes ses lettres formatrices, on prend encore dans leur nom explicitement écrit celles qui sont supérieures à 100. De Beth, on extrait donc Thau, 400, de Resch, 200 ; puis, la dernière lettre Schin, 300 ; dans le mot אלף on prend Pé, 600 ; dans Schin, 300 ; Nun final, 700 ; dans Thau, 400.
En additionnant ces nombres, on obtient le chiffre de 4.000 ans.
Et, en effet, le Christ est monté aux cieux, où il a été placé à la droite du Père éternel, après avoir vaincu le démon, la mort et l’enfer, l’an 3996 de la création du monde, date qui ne s’écarte que de quatre années seulement des 4000 ans indiqués ci-dessus.
De la même façon, par une méthode de calcul analogue, les anciens Pères de l’Église établissent que Melchissédec, ce fameux roi de Salem, a préfiguré et annoncé le Messie, attendu depuis si longtemps. Ils disent que son sacrifice, l’oblation du pain et du vin, a été la figure de la présence réelle du corps du Christ dans l’Eucharistie, ainsi que nous l’avons démontré ailleurs. C’est ainsi que, grâce à cette façon occulte, quoique chrétienne, de compter, il appert clairement, du tableau ci- après, qu’il y a identité entre Melchissédec et Jésus.
La seconde partie de la Cabale, au moyen d’une méthode analogue, enseigne l’art de représenter un mot entier, par une seule lettre.
Ainsi, dans le mot ברא qui est le second du premier livre de Moïse, les cabalistes chrétiens trouvent l’affirmation de la trinité des personnes dans l’unité de l’essence divine, ainsi que la déclaration des émanations de la divinité, et cela, contrairement à l’opinion des Juifs, qui soutiennent opiniâtrement le contraire.
Voici comment : Beth qui est la première lettre du mot Bara (ברא), signifie Ben (בן), qui veut dire Fils ; Resh qui est la seconde lettre, signifie Ruah (רוח). qui veut dire l’Esprit-Saint ; enfin Aleph signifie Ab (אב), qui veut dire Père.
Beth, Fils, est la première lettre qui s’offre aux yeux du lecteur, parce que le Fils s’étant fait homme, visible et mortel se trouve sous le contrôle de nos sens, bien mieux que les deux autres personnes divines.
Resch, Rouach, l’Esprit-Saint, est placée au milieu du mot, pour bien manifester cette émanation divine, qui fait que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils.
Enfin, Aleph ou Ab, Père vient en dernier lieu, afin de bien montrer que c’est par le Fils et le Saint-Esprit que nous pouvons accéder jusqu’au Père, conformément à cette parole du Christ, notre Sauveur : « Personne ne peut aller au Père, si ce n’est par le Fils ! »
Cette section de la Cabale contient encore un grand nombre de secrets, aussi curieux qu’utiles, empruntés des Égyptiens et des anciens sages, et exprimés par des hiéroglyphes impénétrables aux profanes.
Je les ai longuement étudiés dans mon commentaire sur les Conclusions cabalistiques de Pic de la Mirandole. Aussi, me bornerai-je à exposer ici ce que Reuchlin, d’après les Rabbins, a rapporté au sujet de Judas Machabée.
Il raconte donc qu’il exista jadis, au temps d’Antiochus Eupator, un guerrier fameux, un général illustre, Judas, fils de Mattathias, qui combattit vaillamment pour la loi, le temple, Jérusalem, sa patrie, et pour les Juifs, ses concitoyens.
Antiochus s’étant jeté sur les siens avec son armée, Judas instruit par un ange donna comme signe de ralliement à ses compagnons d’armes un étendard, sur lequel il fit placer ce mot fameux מכבי. Ces quatre lettres devaient soutenir leur courage pendant le combat, et il leur promit que, par ce signe, Dieu leur donnerait la victoire. Les Juifs l’acceptèrent avec joie, comme un talisman devant leur assurer une puissante protection. Combattant avec ardeur sous cette égide, ils pénétrèrent dans le camp ennemi, massacrèrent 14.000 hommes, ainsi qu’un grand nombre d’éléphants et les guerriers qui les montaient.
A la suite de cet exploit, Judas le chef de l’armée, ainsi que nous l’avons dit plus haut, reçut, d’acclamation le surnom de Machabée, les quatre lettres inscrites sur son étendard se prononçant Machabei.
Ses compagnons attribuant la victoire à la puissance de cet étendard, les tribuns militaires, les sages d’Israël manifestèrent leur étonnement et demandèrent à Judas Machabée comment il se pouvait que ce signe leur eût donné un si brillant succès.
Le héros répondit que la protection du Dieu tout puissant et ineffable résidait en ces quatre lettres ; et il appela leur attention sur les paroles de Moïse, au chapitre XV de l’Exode, qui se traduisent ainsi : Qui est fort comme toi, entre les forts, Tétragrammaton !
Les quatre lettres, ci-dessus indiquées, synthétisent, en effet, cette exclamation par l’initiale de chaque mot. Iod (י) est considéré comme exprimant clairement le nom Tétragrammaton. Et, par l’équivalence numérique, מכבי correspond au nom divin des 72 lettres ce qui est un merveilleux symbole.
Enflammés par cette pensée que Dieu combattait avec eux, les soldats de Judas Machabée livrèrent une nouvelle bataille ; d’après les Écritures, ils n’exterminèrent pas moins de trente-cinq mille hommes, remplis de joie à la pensée de la présence du Seigneur et bénissant d’une voix unanime Tétragrammaton, le Dieu Tout-Puissant !
Cet exemple démontre qu’un mot tout entier peut être exprimé par une seule lettre, qu’elle soit employée seule ou qu’elle entre dans la structure d’un mot composé.
La tradition enseigne également qu’un seul mot peut exprimer une phrase tout entière. Exemple : dans Daniel, Mané, Thécel, Pharès : Il a compté, pesé et divisé.
Ces mots, appliqués à Nabuchodonosor, signifiaient : Dieu a compté les jours de ton règne, et ils sont accomplis. Il a été pesé dans la balance, et trouvé trop léger. Ton royaume a été divisé et donné aux Mèdes et aux Perses.
Donc, ou un seul mot peut être formé de lettres extraites de différents mots ou plusieurs mots, condensés en certaines lettres, peuvent se résumer en un seul. Ici, c’est l’unité qui sort de la multiplicité ; là, c’est la multiplicité qui est engendrée par l’unité.
Tel est l’exposé très savant de Reuchlin.
Cet illustre cabaliste ajoute, en exposant la troisième partie de la Cabale, qui traite de la mutation des lettres (Aleph se combine avec toutes les lettres et celles-ci avec Aleph ; de même pour Beth et pour chacune des autres), il ajoute, dis-je :
Cette méthode nous a été transmise, non pour détruire les mystères sacrés des Écritures, ni les tourner en ridicule, mais pour les conserver avec un soin pieux.
En effet, au moyen des lettres, on s’élève plus facilement à la méditation des plus hautes vérités ; elles permettent également de saisir le sens des choses sacrées. Exemple : Dieu s’adressant à Moïse, du sein de la nue, lui dit : Voici que je viens à toi dans une nuée épaisse, afin que le peuple m’écoute te parler et surtout qu’il croie à jamais aux 22 בך.
On ne doit pas croire à la Cabale à la façon des vieilles femmes, mais avec une foi robuste ; les enseignements qui ont été donnés à nos pères, au moyen des lettres, doivent être reçus par nous avec amour, joie, gaîté, satisfaction et confiance, comme il est dit au Psaume LXX : « Illumination et joie dans les 22 pour ceux qui te cherchent ».
Il faut savoir, en effet, que les 22 lettres sont le fondement du monde et de la loi, ainsi qu’il est abondamment démontré, au livre second du traité intitulé : « Le Jardin des Noyers ».
Reuchlin devait ajouter, en faveur des 22 lettres, ce témoignage irréfutable : Isaïe 41. V. 23 et 44. V. 7.
On trouve au début de la Genèse, 3-v. 21, ce bel exemple de transposition cabalistique des lettres : Dieu fit à Adam et à son épouse כתבות עור des vêtements de peau ; en transposant cabalistiquement, on obtient כבות אור ce qui veut dire : des voiles de miséricorde : étant remplacé par א en raison de l’analogie de prononciation.
Les cabalistes rapportent que les sages d’Israël, après Moïse, et même les Patriarches, avant lui, ont connu par révélation tous les mystères de la Cabale.
Par elle, l’infortuné Adam, bois de vie du genre humain, comprit qu’il portait en lui le type du Sauveur qui triompha de la mort sur ce même bois.
Accablé de chagrin, rempli de douleur, comme notre premier père gémissait, se lamentait, l’Ange Raziel lui apparut ; et pour relever son courage fit entendre ces paroles : Ne t’afflige pas outre mesure et ne te consume pas en gémissements, parce que tu as conduit le genre humain à sa perte. Cette faute originelle sera rachetée. Il sortira de ta race un homme juste, ami de la paix, un héros dont le nom, en signe de miséricorde, contiendra ces 4 lettres יהוה.
Avec une foi ardente, il fera sans hésiter le sacrifice de sa vie ; il étendra la main, saisira un morceau de bois, et le fruit de ce bois sera le salut pour tous ceux qui l’attendent.
Alors, ce malheureux père d’une race infortunée, au milieu des tourments, de la douleur, de l’angoisse, de l’affliction que lui causait la misère dans laquelle il était tombé, — misère qu’il déplorait dans les larmes, dans la tristesse de son cœur, — Adam, dis-je, rendit grâce à l’infinie miséricorde de Dieu. Il eut la ferme espérance que ses descendants seraient, un jour, rétablis dans leur premier état.
Il ne voulut pas que son épouse ignorât la miséricorde, la faveur insigne que Dieu lui accordait, et il lui fit part immédiatement de ce que l’ange lui avait révélé, pour relever son courage.
Aussi, lorsqu’Eve eut enfanté Caïn, croyant qu’elle venait de donner le jour à l’homme annoncé par l’ange Raziel, s’écria-t-elle dans son allégresse :
« Je possède l’homme tetragrammatique (promis). » Abel, lui aussi, d’après les mêmes cabalistes, n’ignora point ce mystère. Et, dès qu’il vit Caïn, son frère, armé d’une lourde massue de bois, se précipiter sur lui, il ne chercha point à éviter sa fureur. Il fut, au contraire, rempli de joie, ne manifesta aucune crainte, se montrant heureux d’être tué par ce bois et pensant que sa mort allait sauver le monde, perdu par la faute de son père. Il s’offrit au trépas en victime propitiatoire, devant fléchir le courroux céleste.
La même révélation fut également faite à Abraham, cet ancêtre vénérable des croyants !
Tétragrammaton lui apparut et lui dit :
« Je ferai une alliance durable avec toi et avec tes descendants, jusqu’à la postérité la plus reculée, afin que je sois ton Dieu et le Dieu de ta postérité après toi. »
Ces paroles étonnantes remplirent Abraham de surprise. Il avait alors près de cent ans et ne comptait sur aucune lignée. Réfléchissant toutefois, qu’il était encore vivant et que Sarah, sa femme, n’était peut-être pas irrévocablement frappée de stérilité, le saint patriarche, suivant la parole de l’Apôtre, « espéra contre toute espérance » !
Dieu lui tint compte de sa foi ; sa robuste confiance fut récompensée par la naissance du fils tant désiré : Isaac !
Mais, ô prodige de sagesse ; ô dessein insondable de la Divine Providence ! A peine ce fils, si cher, eût-il grandi, fût-il sorti de l’enfance, que son père reçut cet ordre de Dieu : « Prends ton fils unique, cet Isaac si cher à ton cœur ; rends-toi au lieu que je te montrerai en songe, et, là, sacrifie-le moi en holocauste ! » Cet ordre semblait cruel, d’une rigueur extrême ! Mais, ô commandement agréable ; ô enviable bienfait ! Croirait-on qu’il remplit de joie Abraham et le fit tressaillir d’allégresse !
C’est qu’il avait appris de ses pères, le mystère de l’arbre de vie ; et il se souvenait de la divine promesse : en toi seront bénis tous les peuples de la terre !
Il partit donc la nuit, avec son fils, après avoir coupé de ses propres mains le bois du sacrifice ; car, il savait que le monde devait être racheté par le bois.
Ils gagnèrent le sommet du mont Moria ! Adam y avait, jadis élevé un autel ; Abel, Caïn, Noé et ses fils y avaient offert des sacrifices au Seigneur [4]. Là, enfin, s’éleva plus tard le Temple de Salomon.
Ayant placé le bois sur les épaules de son fils chéri, le père et le fils, la victime et le sacrificateur arrivèrent à l’endroit choisi.
Lorsque Abraham eut dressé l’autel, et placé dessus le bois, il saisit d’une main ferme son fils bien aimé, l’espoir de sa race, l’ornement, la joie de sa tribu, sans que celui-ci opposât la moindre résistance.
Qui pourrait douter, après cela, qu’Isaac n’eût été instruit par son père du mystère de l’arbre de vie ?
Cependant, pour appuyer d’autres témoignages la réalité de cette révélation de la cabale, je veux rapporter, ici, les paroles suivantes du savant et discret Reuchlin [5], auquel le monde chrétien doit tant ! Il fut, en effet, le premier chrétien qui enseigna la langue hébraïque ; et il a très savamment traité de nombreux sujets utiles à notre foi, s’y adaptant d’une façon parfaite, sujets qu’il a tirés de l’histoire même des Hébreux.
« Si, dit-il, Isaac n’avait pas reçu de son père cette tradition, transmise par la Cabale, que le genre humain serait sauvé par le bois de vie ; par le sacrifice de ce juste, annoncé par l’ange, qui s’offrirait de lui-même en holocauste, il n’eut certainement pas (toute vie ayant horreur de la mort) fait preuve d’une telle bonne volonté, souriant au trépas suspendu sur sa tête, l’acceptant d’un cœur joyeux ! Cédant à la faiblesse de l’humaine nature, il se fût dérobé à cette rigoureuse éventualité. Tout au moins, eût-il tenté soit de fléchir par de touchantes supplications, la rigueur de son père, soit de se soustraire à celle-ci. Au lieu de cela, estimant qu’il devait être lui-même cette victime, par laquelle le monde serait racheté de la tache originelle, rien ne lui semblait plus agréable que ce sacrifice, plus doux que cette mort, qui, dans sa pensée, devait sauver le genre humain tout entier ! »
Tels sont les arguments de Reuchlin.
Mais, tous ces grands penseurs, qui se sont fait les champions de la Cabale, se trouvent en butte aux railleries de sophistes verbaux. Ceux-ci, n’attachant d’importance qu’aux seuls faits qui tombent sous nos sens physiques et illusoires, s’acharnent à dénigrer ces vérités éternelles, soit qu’ils les ignorent ou soient incapables de les comprendre.
Ils peuvent japper à leur aise, comme des chiens furieux, chaque fois qu’ils se heurtent à quelque secret inaccessible à leur entendement. Ils peuvent exercer leur rage impuissante sur tout ce qu’ils ignorent, sur les vérités sublimes, profondes, divines, auxquelles ils s’attaquent. Ils ressemblent à ces chèvres, qui toujours fébriles, selon l’expression de Varron, corrompent tout ce qu’elles touchent de leur haleine pestifère.
Pour nous, repoussant tout ce venin, grâce à un antidote céleste, remède souverain, nous exposerons les Arcanes, tels que les sages nous les ont transmis, et nous parlerons des mystères, mais en langage mystique pour les sauvegarder.
A quelle tâche plus noble, plus juste, plus utile à notre foi pourrais-je bien consacrer mes efforts, qu’à celle ayant pour but de rendre accessibles à tous ces mystères relatifs au bois de vie, à la révélation qui, d’après les cabalistes, en fut directement faite par un ange !
En effet, l’ange Raziel, duquel il a déjà été parlé plus haut, descendit du ciel pour annoncer à Adam la venue d’un Sauveur.
D’autre part, l’ange Gabriel fut envoyé à la Très Sainte Vierge Marie ; pour lui faire part de la venue du Messie, attendu depuis si longtemps par nos Pères.
Adam fut profondément troublé, en apprenant qu’il avait perdu la grâce de Dieu ; de même, les paroles de l’Ange jetèrent la Vierge dans un grand trouble.
Raziel consola Adam par ces paroles : Ne t’afflige pas outre mesure ; il sortira de ta race un homme juste, ami de la paix, dont le nom contiendra ces quatre lettres יהוה.
Gabriel, de son côté, dit à la Vierge, pour lui rendre courage : « Ne craignez rien, Marie ! Vous avez trouvé grâce devant Dieu ? Voici que vous concevrez et enfanterez un fils, que vous appellerez Jésus (ce nom est identique au nom tetragrammaton, ainsi qu’on l’a vu plus haut) ; il sera grand devant l’Éternel et on l’appellera le Fils du Très-Haut ! »
Adam, après avoir été réconforté par l’ange, alla se fixer sur le mont Moria. La Vierge, après la salutation angélique, se retira promptement sur la montagne.
Adam sur le Moria, rendit grâces à la miséricorde de Dieu. La Vierge, sur la montagne, entonna un cantique d’action de grâces :
« Mon âme exalte le Seigneur, etc. »
Enfin, il fut annoncé à Adam que le salut sortirait du bois, pour tous ceux qui l’attendaient ; la même prophétie fut faite à la Bienheureuse Vierge Marie, au sujet de son fils, ce fruit béni de ses entrailles, qui donna sa vie sur la Croix et dont la mort a, véritablement, racheté le monde.
Ce fut donc bien le vrai juste annoncé à Adam ; préfiguré par le juste Abel et par le pacifique Isaac ; et, lorsque les temps furent accomplis, lorsque l’heure indiquée par les Prophètes fut arrivée, il vint, lui-même, résumer en lui toutes ces figures.
C’est pour cela qu’inspirée par le Ciel, l’épouse du Cantique s’adresse ainsi à l’époux : « Montre-moi celui après lequel mon cœur soupire ! Où est dressée la table du festin ? Où est la couche, où tu te reposes au milieu du jour ? »
En Jésus-Christ, à l’époque de l’Incarnation et de la Passion, plus d’ombres, ni de figures, la réalité même.
Ces révélations, et d’autres de même nature, du plus haut intérêt pour la Religion chrétienne, se trouvent dans la tradition, pieusement conservée, des Patriarches, c’est-à-dire dans la Cabale.
Si elles peuvent être proposées aux méditations attentives des véritables chrétiens, il n’est pas douteux, non plus, qu’elles peuvent également servir à réfuter efficacement les erreurs des Juifs, des sectateurs d’Arius et autres hérétiques de même sorte, ainsi qu’il appert des Conclusions cabalistiques du grand Pic de la Mirandole.
Aussi, pour l’honneur, pour la gloire de la Cabale, il me paraît utile de rapporter, ci-après, quelques- unes de ces conclusions :
« Le cabaliste hébreu est forcé, d’après les enseignements, les règles de la science cabalistique, d’admettre nécessairement la Trinité et la distinction de chacune des Personnes divines Père, Fils et Saint-Esprit.
La religion chrétienne impose précisément le même dogme, sans y rien ajouter, retrancher, ni changer. Si l’on admet les enseignements de la Cabale, on peut facilement réfuter : non seulement ceux qui nient la Trinité, mais encore ceux qui la conçoivent d’une façon différente de celle de l’Église catholique : tels les disciples d’Arius, de Sabellionus et autres hérésiarques du même genre.
Aucun cabaliste hébreu ne petit nier que le nom de Jésus, interprété d’après la méthode, d’après les règles de la Cabale, signifie clairement ceci et pas autre chose : Dieu, fils de Dieu et Sagesse du Père unissant étroitement la nature humaine à l’unité divine par l’intermédiaire de la troisième personne divine, qui est le feu ardent de l’Amour.
De même, si cette parole du Prophète : Ils ont vendu le Juste à prix d’argent est expliquée cabalistiquement, elle ne signifie pas autre chose que ceci : Dieu, notre Rédempteur, a été livré à prix d’argent.
Si l’on ajoute l’Astrologie à la Cabale, on comprendra que le dimanche convient mieux que le samedi, pour le repos septénaire et l’union pacifique en Christ. Il résulte clairement, des enseignements de la Cabale, que la venue du Messie rendit désormais la circoncision inutile.
On saisit de même, par les bases de la tradition cabalistique que Jésus a pu dire, à bon droit : J’étais déjà avant qu’Abraham ne fut né !
Par l’éclipse de soleil qui se produisit au moment où le Christ expirait sur la Croix, on peut connaître, toujours d’après la Cabale, que celui qui souffrait alors sur le bois de rédemption, était bien le Fils de Dieu, le véritable Messie.
La lettre Schin, qui se trouve placée au milieu du nom de Jésus, indique aux cababilistes que le monde fut alors en paix, comme au point culminant de sa perfection ; et l’union de la lettre Iod à la lettre Vav, qui se fit en Christ, affirme que le Sauveur était bien le Fils de Dieu, fait homme.
Outre les arguments, accumulés à chaque page de ses Conclusions cabalistiques, Pic de la Mirandole, ce philosophe illustre, en produit d’autres qui permettent d’établir cabalistiquement la réalité des mystères de la Sainte Trinité, de l’Incarnation, du Verbe divin dans l’humaine nature, de la divinité du Messie venu parmi nous.
Ils peuvent également servir à réfuter les monstrueuses doctrines de ce siècle sur la virginité de la Sainte-Vierge Marie, avant et après sa conception ; sur la Passion du Christ, sur sa mort, sur le prix de celle-ci et sur la présence réelle matérielle de son corps dans l’Eucharistie.
Pic traite aussi des ordres d’anges, de la cause du péché originel, de son expiation, de l’immortalité de l’âme, de la création du monde, de la chute des démons, des peines de l’enfer et de beaucoup d’autres choses de ce genre, qu’il avait offert de venir soutenir à Rome, d’après les véritables enseignements de la Sainte Cabale.
Qui donc, maintenant osera infirmer cette partie essentielle de la théologie sacrée relative aux mystères cachés ? Qui pourra, désormais, la qualifier de vaine et d’inutile ?
Quel est l’homme qui, sans s’indigner, sans le condamner, pourra écouter, à l’avenir le tapage absurde et violent de ces déclamateurs qui s’attaquent continuellement à notre science ?
Qu’ils nous laissent donc en paix ; qu’ils ne nous fatiguent pas plus longtemps les oreilles, tous ces colporteurs de sornettes, tous ces imposteurs, dis-je (pour ne pas les qualifier de fauteurs d’une fourberie diabolique) qui taxent de mensonge, de superstition tout ce qui touche à la Cabale ! Ces hommes qui, à l’exemple de l’impie Mahomet (lequel voulant interdire à sa nation l’usage du vin, du rouge surtout, affirma audacieusement, qu’il n’était pas un grain de raisin rouge qui ne fut le réceptacle du démon), pour persuader que notre Sainte Cabale doit être rejetée, ont l’impudence d’avancer qu’il ne s’y trouve pas un mot, qui ne trahisse l’abominable, l’infernale ruse des démons ! Qu’ils nous laissent en paix, je le répète, ces honteux détracteurs de la Cabale ! On doit les considérer comme le fléau de l’humanité, comme la ruine de la religion chrétienne, eux qui osent qualifier de superstition ce que les cabalistes rapportent pieusement, saintement au sujet du Christ ! Leur forfait est abominable, impie ; et, jamais jusqu’ici, mortel n’avait eu à en constater de semblable !
Mais, pour qu’ils ne me taxent pas d’imposteur, comme ayant rapporté les conclusions de Pic en faveur de la Cabale, sans les vérifier et sans m’informer si elles étaient admises par l’Église, je leur apprendrai que celle-ci les a officiellement acceptées et approuvées.
J’en tire la preuve d’une bulle du souverain pontife, Alexandre VI, qui prend Pic sous sa protection, le vengeant ainsi des calomnies répandues par des ignorants contre ses Conclusions cabalistiques et ses autres ouvrages…
Mais, pour établir solidement la réalité de la tradition cabalistique, il est temps d’exposer et de réfuter les arguments qu’on y oppose.
De tous les auteurs qui ont écrit contre la Cabale, s’efforçant d’en renverser la base plutôt par de fades plaisanteries que par de solides arguments, il en est deux, surtout, que j’estime devoir être particulièrement réfutés.
Le premier, parmi les modernes, est le médecin de Venise : Georges Raguseius ; le second, le F. Marinus Mercenus [6], de l’ordre des Frères Mineurs.
Raguseius, s’inspirant de Démocrite, a combattu presque toutes les sciences par la raillerie.
Mercenus, lui, ne s’en est pris qu’à la Cabale, s’attaquant furieusement et spécialement aux œuvres du pieux et très profond Georgius Venetus, des Frères Mineurs.
L’un et l’autre, toutefois, poussés par une haine ou une ignorance semblable, je ne sais, ont tenté contre elle le même effort, ainsi qu’on va le voir.
Voici les arguments de Raguseius.
1° Il est possible d’ajouter d’autres noms aux dix noms divins, appelés Séphiroth par les Hébreux. Ceux-ci ne renferment en eux aucun mystère. Si les Rabbins prétendent que tous les autres noms de Dieu peuvent être ramenées à ces dix, je prétends, moi, qu’on peut les ramener aussi à un seul, l’infini, Ain Soph.
De même, le mystère des cinquante portes de l’intelligence est une véritable fiction ; de sorte que tout ce qui est enseigné à ce sujet n’est qu’une suite de fables.
2° Il n’y a aucun mystère dans le nom Tétragrammaton, ni dans les transpositions qu’on fait subir aux lettres des autres noms divins. Tout ce qu’on peut débiter à ce propos ne se sera donc qu’absurdité. Exemple : Dieu, אל devient Rienלא. Shadaï שדי, tout puissant, se transforme en ידש, Impuissant ; ברא créateur, en ארב trompeur ; מלך Roi, en כלם critiqueur acerbe ;
3° Aucun mot hébreu n’a de puissance en soi ; les démons ne peuvent donc être mis en œuvre par le pouvoir de ces mots eux-mêmes, mais par l’ordre de Dieu ;
4° Les mots hébraïques n’ont pas plus de puissance que les mots latins ; Deus exercituum, Dieu des armées, a la même valeur que Alei Tsebaoth.
5° L’Église n’a conservé certains mots hébraïques dans son rituel, que pour frapper l’imagination des fidèles par des sons étrangers.
6° La langue hébraïque n’est pas la langue originelle de l’homme ;
7° Adam n’a pas donné leurs noms aux animaux d’après leurs propriétés spécifiques ; mais plutôt d’après quelques qualités extérieures ;
8° Enfin, les caractères hébraïques actuels ne sont pas les mêmes que ceux qui existaient avant la captivité de Babylone, ainsi qu’en témoigne Saint-Jérôme, dans la préface de sa Vulgate.
Voilà tous les arguments — je n’en ai pas trouvé d’autres — par lesquels Raguseius, dans sa jactance, se vante d’avoir renversé de fond en comble l’édifice cabalistique, d’avoir démontré surabondamment que la science des anciens sages est vaine et entachée de superstition.
Qu’il me permette de le lui dire, en lui rappelant un vieil adage : il me sera tout aussi facile de réduire à néant son argumentation, peu solide à la vérité et confinant à la démence, qu’à un lièvre de manger une poire !
Tout d’abord, je reconnais, sans difficulté, qu’on peut effectivement ajouter d’autres noms aux dix grands noms divins. Mais, Dieu n’a pas besoin d’un plus grand nombre de noms, puisque, d’après les théologiens, il est Un en lui-même. Je dirai plus : il n’est pas possible d’assigner un nom propre à Dieu, considéré dans son Unité. En lui, en effet, un seul les contient tous ; et tous se résument en un seul, selon cette affirmation du grand Hermès : Dieu n’a aucun nom !
C’est pourquoi nous lisons qu’Athlatus, auquel on demandait un jour quel était le nom de Dieu, répondit qu’aucun nom propre ne pouvait lui convenir.
Il n’est, toutefois, personne d’assez ignorant pour ne pas savoir que Dieu est désigné par certains noms. Ceux-ci le déterminent non dans son essence, mais le spécifient dans les principales œuvres par lesquelles il se manifeste surtout à nous.
Ainsi, on nomme, Amour : la faculté par laquelle il attire à lui ses fidèles ; Lumière, celle par laquelle il illumine tout homme venant en ce monde ! C’est pour cela que le Christ — comme le remarque Saint-Hilaire, dans son ouvrage sur l’unité du Père et du Fils, — est appelé Verbe, Force, Sagesse, Droite, Bras, Perle. Trésor, Filet, Charrue, Source, Roche, Pierre Angulaire, Agneau, Homme, Veau, Aigle, Lion, Voie, Vérité, Vie.
Mais pourquoi les Hébreux attribuent-ils à Dieu dix noms, plutôt que neuf ou onze ; pourquoi cinquante Portes de l’Intelligence, et non quarante-neuf ? Pourquoi le Mystère que les cabalistes qualifient de Saint, se cache-t-il dans les nombres dix et cinquante [7] ? Cela est bien simple. Le premier nombre 10, est considéré comme le plus noble, le plus parfait. En effet, il contient en soi, en principe, en puissance d’être, l’universalité des nombres pairs (comme deux), impairs (comme trois), et des nombres composés de pairs et d’impairs entre eux, comme cinq, etc.
Le second, 50, est le nombre du Pardon, de la Pitié.
Bien que nous devions exposer ailleurs les mystères, qui, d’après la Cabale, se cachent sous les nombres, ce ne sera point, pensons-nous, nous éloigner de notre sujet actuel que de dire, dès maintenant, quelque chose de leur valeur.
Donc, pour faire comprendre les diverses significations des Livres Saints, et pour bien établir les mystères des nombres, nous allons exposer, ici, ce que pensait et écrivait saint Hilaire, à ce sujet :
« On ne doit pas ignorer (dit-il dans son commentaire sur les Psaumes, où il recherche pourquoi l’ordre de ceux-ci n’est pas réglé d’après le sujet traité — car, il arrive fréquemment que des psaumes, composés antérieurement, sont classés après d’autres qui leur sont postérieurs) que chez les Hébreux, les psaumes n’occupent pas de rang distinct. Ils sont classés à la suite les uns des autres, sans numéro d’ordre, comme un, deux, trois, cinquante, cent, et comme formant un seul tout. »
Si l’on en croit une très ancienne tradition, Esdras les amassa sans ordre, les prenant de tous auteurs, et de toutes époques, et il les réunit en un seul volume.
Mais, lorsque les 70 Sages de la Synagogue qui, d’après la règle instituée par Moïse, veillaient, à la conservation de la Doctrine et de la loi, lorsque ces sages eurent reçu, du roi Ptolémée la mission de traduire, de l’hébreu en grec, tous les livres sacrés, connaissant par une révélation divine la vertu des Psaumes, ils classèrent ceux-ci par ordre et par numéros, attribuant à chacun selon sa vertu et sa secrète puissance, le nombre qui lui correspondait par sa signification et propriété particulière.
Ainsi s’exprime saint Hilaire. De ce qui précède résulte clairement, comme le fait justement remarquer Pic de la Mirandole, que le numéro du Psaume indique sa vertu, son efficacité ! Et, il en déduit que Dieu peut être prouvé par les Nombres.
Indépendamment de cela Pic traite encore ces questions, d’un si haut intérêt : Si Dieu est infini ; si c’est un être intelligent ; de quelle façon il exerce sa connaissance ; s’il est la cause première de toutes choses ; s’il est absolu… et autres propositions très intéressantes, du même genre auxquelles il prétend pouvoir répondre par les Nombres.
On rapporte également que saint Jérôme, dans son ouvrage contre l’hérésiarque Jovinien, estime que le nombre Deux est néfaste. Aussi, peut-on lire, au chapitre 7 du dit ouvrage, qu’à propos du second jour de la création, la Bible ne dit pas : « Et Dieu considéra qu’il était bon ! »
Il convient de faire remarquer également qu’au moment du déluge, Dieu ordonna à Noë d’enfermer dans l’arche deux couples seulement d’animaux impurs contre sept d’animaux purs.
Que pourrais-je ajouter, je le demande, sur la puissance des Nombres ?
Certes, si les cabalistes, Pythagore, Platon et leurs disciples se fussent seuls occupés des mystères des nombres, ce n’eut peut-être pas été suffisant pour établir péremptoirement qu’ils en recelaient de véritables. Mais, après saint Grégoire de Nazianze, saint Basile, Origène, saint Ambroise, saint Augustin, qui l’ont démontré à la lumière de la foi, par les mystères de la Religion, quoi d’étonnant à ce que, marchant sur les traces de ces Pères de l’Église, nous pensions à notre tour, que les nombres cachent plusieurs profonds mystères ?
Il est donc certain que le symbole des cinquante portes de l’intelligence voile un arcane véritable. Celles-ci, en effet, aux dires des Théologiens les plus mystérieux, ne désignent pas autre chose que la contemplation divine, grâce à laquelle au moyen des 50 degrés indiqués cabalistiquement dans la Genèse, nous pouvons arriver à une connaissance parfaite des créatures.
De plus, nous le répétons, le nombre 50 est attribué à la Pitié, à la Miséricorde. Il est, en outre, considéré comme le plus saint, le plus agréable selon l’esprit de la nature, parce que, dit Bungus, issu de la puissance du triangle rectangle, il révèle le principe de génération de toutes choses, lequel est en accord parfait avec les degrés de la Genèse ; dans ceux-ci, de même que dans le nombre 50, qui est celui de la Miséricorde, nous pouvons contempler le Créateur suprême, Principe de toutes choses.
Mais, nous traitons longuement, autre part, de ce sujet.
Le second argument de Raguseius est que le grand nom יהוה, que les anciens traduisaient par Anekphoniton, l’ineffable, ne contient dans ses profondeurs, aucun mystère.
Je m’inscris absolument en faux contre cette affirmation !
Ce nom très saint est, en effet redoutable, admirable, adorable. Aussi, sous l’ancienne Loi, ne le prononçait-on jamais ! On le remplaçait par le nom Adonaï, sous lequel on l’adorait avec un profond respect, comme sous un voile, sous un vêtement.
C’est également sous ce vocable que l’ont désigné les Apôtres, au témoignage de Génébrandus ; de même les Sybilles, les Septante, Origène (dans l’Hexaplis) ; saint Épiphane (Hérési., 76) ; Tertullien (dans son traité De la résurrection de la Chair) ; de même le plus ancien traducteur ; de même tous les anciens Pères et commentateurs : saint Jérôme, Damascenus, Theodoritus, Litanus, Londanus, Reuchlin, Vatablus, Mercenus et tous les Rabbins.
Le nom Anekphoniton traduit donc exactement ce nom Très-Saint. Les R. R. rapportent qu’interrogé par Jacob, qui lui demandait quel était son nom, l’Ange répondit :
Pourquoi cherches-tu à connaître mon nom, qui doit rester caché ?
On doit croire également que ce nom n’a pas été donné à Dieu par les hommes — ce qui a eu lieu pour beaucoup d’autres noms divins, choisis en raison des qualités qu’ils manifestent, — mais, que c’est Dieu lui-même qui se l’est attribué comme le plus saint, le plus en rapport avec sa nature éternelle.
On peut faire cette déduction, notamment, de ce que, dans les Livres saints, on trouve constamment cette interjection mystérieuse : . Moi, Jehovah יהוה.
Il est évident qu’on doit lui attribuer un sens profond, et ne pas s’en tenir à sa forme littérale et superficielle.
Si elle ne cachait, en soi, rien de secret, ce serait bien inutilement qu’on la retrouverait aussi fréquemment, jusqu’à trois et quatre fois dans une ligne de quelques mots. Et ce n’est pas sans un motif impérieux que le grand saint Basile, dans son Homélie sur la Genèse, 10, affirme qu’on ne peut avancer, sans blasphème, qu’un seul mot de l’Écriture Sainte est inutile ou superflu !
Si cette expression n’est pas inutile, il est donc permis de rechercher ce qu’elle signifie, clairement et mystiquement.
Tout d’abord, ce nom admirable יהוה Jehovah, que lès hommes n’ont ni trouvé, ni imaginé, — mais qu’ils ont reçu de Dieu lui-même — est celui de tous qui convient le mieux au Créateur Suprême ! Il énonce par une sorte de manifestation divine, aussi bien et aussi intelligiblement que possible la substance et l’essence divine. Il le fait cependant d’une façon inadéquate, en ce sens qu’il ne peut y avoir de commune mesure entre Dieu et la créature.
Les autres noms divins, au contraire, sont plus exacts, plus adéquats dans leur signification. Ils donnent l’idée d’une sorte de mélange, d’alliance du divin avec l’humain (ainsi que le prouvent Chatarinus et Roselus dans leur Trismégiste), puisqu’ils sont choisis par analogie, par similitude, en raison des actes attribués à Dieu, actes qui se retrouvent, bien que très imparfaits, dans notre propre nature.
Rabbi Moses Maïmonide dans son Guide des égarés, se range à cette opinion :
« Tous les noms de Dieu, écrit-il, ont été choisis d’après les œuvres divines qu’ils manifestent, à l’exception du nom Tétragrammaton. »
Mais, pour nous élever à des considérations plus hautes, disons qu’il est prouvé à ceux qui savent que les nombres correspondant aux lettres de ce nom divin, sont tous les nombres du cercle.
En effet, Iod égale 10 ; Hé 5 ; Vav 6 ; le second Hé 5 ; cela démontre que Dieu est une véritable sphère, et que son processus se développe selon l’ordre circulaire. Tout sort de lui, tout revient en lui !
Ne l’atteste-t-il pas lui-même par la bouche du prophète Isaïe, lorsqu’il déclare : « Je suis le Premier et le Dernier, tout est l’œuvre de mes mains ! »
Effectivement, de même que les rayons d’un cercle, issus du centre, se dirigent vers la circonférence ; de même, par contre, ces mêmes rayons sont tous ramenés de la circonférence au centre.
Il en est de même pour Dieu, sphère véritable, d’après Hermès, cet ancien et très savant philosophe.
Tout est contenu en Lui ! Toutes les créatures, quelles qu’elles soient, procèdent de Lui et retournent également en Lui. C’est en lui qu’elles habitent, qu’elles se meuvent, qu’elles vivent, selon cette parole de l’apôtre saint Paul « Nous vivons en lui, nous y agissons, nous y sommes tous contenus ! »
C’est pourquoi, dit Reuchlin, le nom Tétragrammaton, commençant par Iod, a été choisi par Dieu à notre intention, afin que nous reconnaissions en Lui le Point Infini, l’élément de tout nombre c’est-à-dire de toute chose !
Iod vaut dix ; et, dans la composition du nom Tétragrammaton, il est la dixième lettre ; comme suit : Ioha, Iao, Iai ; où, après Tétragrammaton, on trouve le nom Iao, qui n’est autre, par l’équivalence des nombres qui le composent, que le nom Ehieh, lui-même, lequel veut dire : Celui Est.
Il signifie également l’essence du Créateur, ainsi qu’il est dit dans l’Exode, 3 : Ehieh m’a envoyé vers vous !
D’autre part, יהו Iehou est le sceau de Dieu, dont Ehieh a scellé le monde ! אמת, Emeth, c’est-à-dire : vérité, attendu qu’il donne On le nomme pour cela naissance en se multipliant lui-même יהו arithmétiquement a אמת.
Vient ensuite le nom Iah. C’est celui de l’essence divine ; c’est par lui que Dieu châtie et récompense, comme le dit le saint Psalmiste : Si vous tenez compte de nos iniquités, Iah !
Le nom Tétragrammaton engendre donc trois autres noms, qui manifestent l’essence infinie de Dieu : l’Ineffable, Ehieh et Iah. On les traduit par : Quid est, qu’on formule , Quid ?
En effet, Tétragrammaton : Iod, Hé, Vav, Hé, par l’égalité des nombres, équivaut à Ma.
L’un et l’autre donnent 45, comme on le voit ci-après :
Lorsque Moïse eut demandé : De quel nom l’appellerai-je ? Il lui fut répondu : Ehieh !
Et, maintenant, si l’on considère attentivement les paroles suivantes de l’Esprit Saint, rapportées également par l’Exode, 3, et non sans raison : Pour moi quel est son nom, quel est-il ? et si l’on en prend les lettres finales, on constatera qu’elles forment le nom ineffable de quatre lettres, יהוה dont le commencement est Ehieh, le milieu Iah, la fin, infinitude.
Un grand mystère est également caché dans la transposition des lettres du saint Tétragramme, ainsi que nous l’exposons ailleurs.
Les adversaires des cabalistes tournent, il est vrai, en ridicule cette section de la Cabale, qui traite de l’évolution des lettres. Ils la représentent comme sans valeur et indigne d’un esprit sérieux. Elle épilogue lamentablement, disent-ils, sur les accents des lettres, les nombres, les transpositions, l’inversion des mots et les doubles sens.
Par contre, ils admettent partiellement celle qui se borne à interpréter la loi écrite, c’est-à-dire celle qui contient les enseignements secrets relatifs à la législation, au sens spirituel et allégorique des Écritures, à l’enseignement traditionnel de la Synagogue.
Fort bien ! mais peut-on accepter une partie de la Cabale et rejeter l’autre ?
Que ces détracteurs de la tradition citent un seul rabbin, qui, cherchant à pénétrer le sens secret de la loi, n’ait pas eu recours à la transposition des lettres !
Puis, quel mal peut-il y avoir à employer la commutation des lettres ou des mots, pour arriver à pénétrer le sens secret, caché sous ces lettres ou sous les nombres ?
Exemple : dans Zacharie, 3, le mot צמח qui signifie rejeton, a la même valeur numérique que le mot מנחם, lequel veut dire consolateur, qui est le nom du Messie. La somme des lettres de chacun de ces deux mots donne également 15.
Isaïe, lui aussi, emploie très judicieusement la commutation des lettres et des mots. Qu’on en juge, chap. XXV. Il est écrit… ששך au lieu de בבל, afin que le roi de Babylone ne prît pas en haine les Israélites.
De même saint Jérôme et Munster, dans leurs commentaires de ce prophète.
De plus, s’il n’était pas permis de rechercher le sens caché des lettres, pourquoi Dieu lui-même, dans Isaïe, 21, vers 22, prescrit-il d’écrire, de transposer, d’employer les uns pour les autres, les lettres elles-mêmes et les caractères divins, lorsqu’il s’agit d’exprimer les choses divines !
Pourquoi, enfin, les anciens Pères, ont-ils affirmé que l’Écriture Sainte, tout entière, avait plusieurs sens, si le sens littéral suffisait ?
Saint Jérôme et saint Chrysostome ne déchirent-ils pas parfois le sens littéral, qui est, en quelque sorte, l’enveloppe de l’autre.
Saint Grégoire de Rome et saint Grégoire de Nazianze essaient, l’un et l’autre, de pénétrer jusqu’à l’âme du Sépher, dissimulé sous la forme comme sous un voile.
Damascène, puis saint Ambroise livrent le sens positif et le symbolique. Enfin, saint Augustin, saint Basile, dans leurs poésies mystiques, célèbrent sur le mode lyrique tous les mystères que les cabalistes se contentent de défendre simplement, d’une façon différente, suivant les individus, et les philosophes profanes les rejettent en bloc parce qu’ils sont incapables de les comprendre !
S’il semble, à première vue, que quelque absurdité puisse sortir de la transposition des autres noms divins, des maîtres d’une science profonde, d’une haute sagesse, cités par l’antique tradition hébraïque, affirment que ces absurdités ne sont qu’apparentes.
Exemple : la transposition du nom El, Dieu ; qui donne La : Rien !
Évidemment, cela cache quelque mystère. En effet, tout ce que de savants théologiens proclament au sujet de Dieu, est exprimé non par affirmation, mais par négation. Ainsi, Dieu n’est ni un ange, ni une âme, ni le ciel : il est au-desssus de tout cela. C’est ce qui a fait dire à saint Denis que Dieu n’est ni nombre, ni Ordre, ni Un, ni Unité.
Il convient de raisonner de même pour tous les autres noms. Shadaï, par exemple, manifeste la toute puissance absolue de Dieu ; et inversement, la faiblesse des créatures. Et, de fait, tout ce qui existe à part lui, Dieu, l’Etre par excellence, n’est que faiblesse, comparé à cet Être infini.
Rien d’étonnnant, de même, à ce que le nom Bara, créateur, donne, par inversion traître, insidieux. C’est ce qui permet au saint Prophète d’appeler Dieu l’auteur du mal : « Dieu, dit-il, fait le bien et crée le mal ».
Mais, la lettre tue et l’Esprit vivifie ! On doit donc admettre que ces paroles renferment un sens secret. En effet, Dieu faisant le bien, signifie Dieu créant en puissance l’idée contenant le germe du bien ; Dieu faisant le mal, veut dire Dieu créant la matière, qui figure le mal, puisqu’elle est faite de rien.
Rien est nécessairement le mal, et les philosophes ne l’ignorent point. Donc, en réalité, faire le bien veut dire créer la forme ; faire le mal signifie créer la matière. Ainsi, Dieu est, à la fois, créateur et destructeur ! créateur du Monde, assurément ; mais, aussi, seul maître de le détruire, de le rendre au néant, selon son bon plaisir.
Et de fait, il engloutit dans un cataclysme universel toute créature vivant sur la terre ; effaçant de l’élément adamique toute substance corporelle, depuis l’homme jusqu’aux animaux : terrestres aquatiques et volatiles (Gen. 7) : Tout ce qui avait un souffle de vie périt.
Il en sera de nouveau ainsi, lorsqu’il viendra juger le monde par le feu. Car, de même qu’il a fait toute chose par une simple volition de sa libre volonté, de même, détruira-t-il tout en le plongeant dans une fournaise effroyable !
Le même raisonnement peut être appliqué au nom מלך Meleck, Roi, qui, inversé, donne כלם contempteur acerbe.
Quant au troisième argument de Raguseius, nous concédons que les mots hébraïques, considérés dans leur propre puissance, n’ont par eux-mêmes, aucune vertu. Mais, en tant que formés du Verbe de Dieu, il n’est pas contestable qu’ils possèdent quelque efficacité.
Ne voyons-nous pas les possédés, lorsqu’on prononce sur eux ou qu’on leur impose, d’une façon quelconque le très saint de nom de Jésus, qui n’est autre que le nom Tetragrammaton, ne les voyons- nous pas, dis-je, tourmentés avec la plus grande violence par le Démon !
Mais, Raguseius déploie toutes ses forces contre les cabalistes ; il fait même preuve de peu de jugement, lorsqu’il les poursuit de ses imputations calomnieuses, les accusant de prétendre que le premier venu, en prononçant comme il convient les mots hébraïques, peut prédire l’avenir, guérir les maladies, commander aux bêtes fauves.
Nous allons prouver que ses calomnies, les prétendues monstruosités qu’il évoque seraient facilement réduites à néant par tout homme de bonne foi, même d’un savoir médiocre, pourvu qu’il fût instruit des mystères des lettres.
Nous montrerons également que les attaques grossières qu’il dirige contre la Cabale, avec autant de mauvaise foi que d’ignorance, ne reposent sur aucune base sérieuse. Et nous invitons les lecteurs bienveillants et avisés, à remarquer les propres contradictions de ce critique sans vergogne.
Dans sa lettre 5, qui traite de la Cabale, il déclare que les recherches sur les nombres, auxquelles se livrent les cabalistes, peuvent être utiles pour l’onomancie ; et, dans sa lettre 4, consacrée à la dite onomancie, il affirme que cette science ne repose sur aucun fondement : « Leurs écrits, dit-il, cette science elle-même (l’onomancie) tout cela est faux ; et les cabalistes qui la professent, sont des imposteurs ! Ils utilisent bien la valeur numérique des lettres ; mais, c’est pour dévoiler, çà et là, les mystères de la sainte Écriture et non pour prédire l’avenir ! »
Telle est l’argumentation littérale de notre contradicteur.
Eh bien ! Je le demande : un homme d’esprit sain, peut-il pousser l’audace et la sottise jusqu’à nier le lendemain ce qu’il affirmait la veille !
Quatrième argument. Sur ce point ; Raguseius est en contradiction évidente avec tous les anciens théologiens et philosophes hébreux, qui attribuent aux mots hébraïques une sorte de vertu emphatique qui les rend efficaces !
Origène, dans son ouvrage Contre Celse, dit qu’une puissance admirable est cachée dans certains noms sacrés. Pour cette raison, ces noms ne peuvent être traduits dans aucune autre langue ; ils doivent être conservés dans leurs caractères hébraïques eux-mêmes, sous peine de perdre leur vertu.
Tel est l’avis de Zoroastre, d’Orphée, d’Hermès, du divin Platon, de Plotin, de Jamblique, en un mot de tous ces chercheurs éminents, qui se sont efforcés de scruter les choses divines.
Mais, écoutons, je vous prie, Eusèbe de Césarée, commenter la doctrine sublime de ces Philosophes : « Ne négligeons pas, dit-il (liv. II, chap. 4), le témoignage de Platon, déclarant que certains noms de Dieu recèlent en eux, une véritable force divine. »
Les anciens sages avaient donc raison d’interdire la traduction, dans une autre langue, des noms hébraïques attribués à Dieu.
Pour le même motif, — Platon en témoigne également dans son Cratile, — il était prescrit dans la loi, d’employer toujours, pour la prière, les noms convenant le mieux aux Dieux, ceux qui leur sont le plus agréable, sans jamais y apporter la moindre modification.
De même encore, aujourd’hui, l’Église, qui a conservé tout ce qui est utile à notre salut, a gardé intacts certains mots hébraïques, tels : Osannah, Alleluia, Amen, etc.
D’après Raguseius, elle ne les aurait conservés que pour mieux frapper l’imagination des fidèles !
Est-ce bien certain ?
Pourquoi l’Église aurait-elle, en effet, conservé ces mots plutôt que les autres ?
Que nos sophistes et autres sévères censeurs répondent, s’ils le peuvent !
S’ils déclarent que cela n’a pas d’importance, c’est donc sans raison aussi, que les évangélistes ont gardé ces mots étrangers et que l’Église après eux les a conservés tels ! Nul chrétien ne saurait penser ainsi, sachant que, dans l’Évangile, il n’est pas un Iota qui n’ait été inspiré par le Saint-Esprit ! De plus, s’il suffit d’un mot seul pour frapper l’imagination, que serait-ce de dix, de cent ! Il conviendrait donc de réciter l’Évangile tout entier, soit en Hébreu, soit en grec, pour qu’il fît plus d’effet sur les esprits !
L’absurdité d’aussi ridicules affirmations saute aux yeux ! Que Raguseius nous dise donc, sans ambage, pour quelle raison les Evangélistes ont rapporté en Hébreu, ces paroles du Christ : eli, eli, lama azaphtani ! et non celles-ci : In manus tuas commendo spiritum meum ! alors que l’une et l’autre exclamation sont consignées, en hébreu, dans les Psaumes ?
Prétendra-t-il également que les paroles dont le Christ se servit pour ressusciter la fille de Jaïre, n’ont pas un sens mystérieux ?
Saisissant la main de la jeune fille, qui gisait sur le lit funèbre, Il prononça ces deux mots : Thabita Kumi : Vois et lève-toi !
Si, en racontant ce grand miracle, saint Marc cite en hébreu, uniquement pour frapper l’imagination des lecteurs, les paroles mêmes du Christ qui rendirent la morte à la lumière et à la vie ; pourquoi, saint Jean, relatant la résurrection de Lazare, ne se sert-il pas des mêmes mots, alors que Lazare était déjà depuis quatre jours dans le tombeau, et qu’il commençait déjà à se putréfier. Ce serait plus utile encore !
La même question se pose au sujet du mot que le Christ employa, pour rendre l’ouïe au sourd de l’Évangile. Ils lui amenèrent, dit l’évangéliste, un sourd-muet, en le priant de lui imposer les mains. Le faisant sortir de la foule, Jésus lui mit les doigts dans chaque oreille ; puis, il prit de sa salive, lui en toucha la langue et levant les yeux au ciel, en priant, il prononça en hébreu : Hiphata : ouvre-toi !
On peut donc affirmer sans crainte que ces mots étrangers, c’est-à-dire hébraïques (si tant est qu’on puisse qualifier d’étrangers des mots qui appartiennent à la langue véritable, primitive, mystique et très sainte) n’ont pas été choisis par les saints évangélistes, de leur propre chef, mais bien pieusement conservés par eux. Ils ne les ont pas inventés, mais reçus ; et ils ont une signification bien plus profonde qu’il me paraît tout d’abord. Exemple : eli, eli, lama azaphtani ! Le mot Eloï n’est pas usité en hébreu, comme l’a fort bien fait remarquer Reuchlin. On pourrait peut-être, dit ce savant linguiste, employer elohaï, mon Dieu ! Mais, il ne convient pas de dénaturer les paroles du prophète, dont l’Homme-Dieu, sur le point d’expirer, se souvint, je pense, et qu’il récita depuis le commencement de sa Passion jusqu’au moment où il rendit l’âme.
Touchant au terme de sa cruelle agonie, il en vint au Psaume 30e (d’après le classement des Septante) et cela pour que le commencement et la fin de sa passion fussent marqués par un même nombre.
De même, en effet, que les Princes des Prêtres offrirent 30 deniers au traître Judas, pour qu’il leur livrât son maître ; de même, le Christ offrit à son père la récitation de 30 psaumes avant de mourir !
Méditez, je vous prie, hommes sages, amis de la vérité et de la justice, si ce ne fut pas à bon escient qu’au cours de sa Passion, de son supplice, alors qu’il accomplissait l’œuvre de notre Rédemption, le Christ récita ces 30 Psaumes.
Il les commença au delà du Torrent de Cédron, dans le Jardin des Oliviers, alors que, saisi d’angoisse, il subit les affres d’une sueur de sang.
C’est de cet instant douloureux qu’il est parlé dans le Psaume 54, où il est écrit prophétiquement : J’invoquerai le seigneur et il viendra à mon aide, le matin et le soir ; j’élèverai la voix au milieu du jour, et je publierai ses louanges !
Ainsi, s’entretint-il avec Dieu pendant tout le cours de sa Passion, le soir, le matin et au milieu du jour.
Le plus souvent, il priait secrètement, de cœur plutôt que des lèvres. Le roi Prophète l’avait annoncé : Je méditerai dans le secret de mon cœur !
Mais quelquefois aussi, il prononça à haute voix certains versets des psaumes. Une partie de ses disciples, qui se tenaient auprès de la croix, l’entendirent et le racontèrent ensuite ; les autres, absents sans doute, n’en furent pas témoins !
Lire le début de cet article.
Profonds mystères de la Cabale divine par Jacques Gaffarel (1625). Traduit pour la première fois du latin par Samuel Ben Chesed.
Notes :
[3] El Adam moth.
[4] Genebr. Chronolog. hebr., fo 115.
[5] Idem. Chronolog., fo 711.
[6] Mersenne.
[7] Bungus, De numer. myster., ch. du Denaire.