Le tserouf, une méthode de kabbale prophétique par Spartakus FreeMann.
Aboulafia entend par Tserouf (combinaison) la science d’association et de permutation des lettres hébraïques.
Avant Aboulafia, cette technique n’était qu’une méthode d’investigation des secrets de la Loi. Avec Aboulafia, les trois procédés de GUEMATRIA (forme d’exégèse du texte basée sur la valeur des lettres hébraïques), NOTARIQON (codage par lequel on groupe les lettres initiales, centrales ou finales de plusieurs mots pour en former de nouveaux) et de TEMOURA (procédé d’échange des lettres selon divers systèmes de combinatoire ou Tserouf) prennent place dans un large système de méditation dirigée où l’objet n’en est plus seulement la Torah mais l’écriture tout court. Aboulafia distingue : la prononciation (MIVTA), l’écriture (MICHTAV) et la pensée (MACHNA) Et au niveau de l’écriture même il ne s’arrête pas à l’étude des combinaisons des lettres mais il va plus loin en analysant et utilisant aussi la forme des lettres.
Pour Aboulafia, le TSEROUF est un moyen, une méthode et non pas l’essentiel du travail mystique. Le TSEROUF est une méthode de libération de l’âme captive des chaînes de la matière. Loin d’être un simple jeu, une simple jonglerie des lettres, des chiffres et des mots, le TSEROUF est une technique progressive permettant au disciple de libérer son âme dans une extase provoquée. Ainsi, Aboulafia compare le TSEROUF à une composition musicale. Dans son ouvrage « GAN NAHOUL » (Le Jardin Fermé), il nous explique ce parallèle :
« Sachez que la méthode du Tserouf peut être comparée à la musique ; car l’oreille entend des sons de combinaisons diverses, en accord avec le caractère de la mélodie et de l’instrument.
Ainsi, deux instruments différents, le luth et la harpe, leurs sons se combinent et l’oreille perçoit leurs variations et leurs harmonies et en éprouve de ce fait une sensation identique à celle des ‘langueurs de l’amour’ ».
De l’oreille, la sensation voyage jusqu’au cœur et du cœur jusqu’à la rate.
La joie se renouvelle par l’union des différents sons qui procurent un plaisir toujours nouveau Il est impossible de produire celui-ci sinon par la combinaison des sons et la même chose est vraie de la combinaison des lettres que l’on touche à la première corde -comparable à la première lettre Aleph – puis à la seconde correspondant au Beth et ainsi de suite…
Les divers sons se combinent et les mystères de ces combinaisons réjouissent le cœur au moyen de l’ouïe. Ainsi, procède la méthode qui consiste à permuter les lettres de l’extérieur, avec une plume, selon la combinaison suivante :
A M S
M A S
M S A
S A M
S M A
A S M
Et ainsi de suite…
« Il y a donc un effet de la musique et des combinaisons des lettres sur le corps qui est comparé à un instrument de musique ». Car tout comme le propriétaire d’un jardin a le pouvoir d’arroser son jardin à volonté avec l’eau des rivières, de la même façon le musicien a le pouvoir d’arroser à volonté ses membres avec son âme, et grâce au Grand Nom, qu’il soit béni, tel est le sens du verset : « Et tandis que le musicien jouait de son instrument, le souffle divin s’empara de lui » (2R 3, 15). Tel est le sens du KINNOR qui était accroché au-dessus du lit de David et qui jouait de lui-même dans le verset « Louez-le avec le luth et avec la harpe » (Ps 150, 3).
Toutefois, cela n’était rendu possible qu’après réception de l’influx divin, appelé Nom de 72 lettres, et de la connaissance de ses voies : « La Lumière de l’Intellect ». La lettre est comme la matière, et le point voyelle comme le souffle qui meut cette matière, et l’entendement qui fonctionne et fait fonctionner est comme l’intellect, et c’est lui qui opère sur le souffle et sur la matière ; et le plaisir qu’en retire celui qui a accédé à ce qu’il lui était possible d’atteindre constitue le véritable but.
Le Trésor des Délices Cachés : « Tu ressentiras qu’un nouveau souffle viendra s’ajouter à toi, te réveillera et passera sur tout le corps, et il te réjouira, et tu auras l’impression qu’il déverse sur toi de la tête aux pieds, l’huile d’un baume parfumé, une ou plusieurs fois, et tu éprouveras un sentiment de contentement et de grande jouissance, mélangé de joie extatique et de tremblement, s’emparant de l’âme et du corps ».
« Ainsi, de même que le compositeur combine les notes de la gamme selon les règles fixes et non pas de manière anarchique, le mystique combine les lettres en suivant une technique sévère Et de même que le musicien doué libère son inspiration en chants mélodieux, de même le mystique inspiré retrouve la mélodie et l’harmonie originelle du Grand Nom, et à l’écoute de ces chants d’un genre nouveau l’âme se sent soulevée vers Dieu ». (Rabbi Simeon Bar Yochaï, Guy Casaril)
Découvrons maintenant quelques méthodes préconisées par Aboulafia pour l’utilisation du TSEROUF dans la méditation.
(a) La respiration et la vibration
Selon Rabbi Aboulafia, la respiration méditative se compose de trois temps :
– l’inspiration ;
– la rétention du souffle dans les poumons ;
– l’expiration.
L’expiration doit durer deux fois plus longtemps que l’inspiration, elle se fait après la rétention du souffle et s’accompagne de l’émission d’un son vocalique qui ce pour but de réguler la lenteur et de la régularité du souffle et de produire des vibrations diverses.
En hébreu, il y a 5 voyelles fondamentales :
O, OU, I, E, A
Dans la technique d’Aboulafia, on n’utilise que les cinq voyelles HOLAM (O), QAMATS (A), HIRIQ (I), TSERE (E) et QOUBOUTS (OU) Le rôle des exercices utilisant ces voyelles est d’agir sur certaines parties du corps et de stimuler certaines parties vitales tout en permettant le travail spirituel :
– HOLAM : ce son agit sur le centre du thorax et le diaphragme et tonifie le cœur ;
– QAMATS : ce son agit sur l’œsophage, les trois côtes supérieures et les lobes pulmonaires supérieurs ;
– TSERE : ce son agit sur la gorge, les cordes vocales, le larynx et la thyroïde ;
– HIRIQ : ce son vibre vers le haut, vers le larynx, le nez, la tête et dissipe les migraines ;
– QOUBOUTS : qui agit sur tous les viscères abdominaux dont l’estomac, le foie, les intestins et les gonades.
Dans un premier temps, il faut se concentrer sur la « vibration » qu’émet la voyelle ainsi que sur sa portée émotionnelle. Ensuite, on inspire par le nez, on retient son souffle puis on expire lentement le son en se concentrant sur le lieu où la vibration se place. Il faut veiller à vider ses poumons très lentement et le plus à fond possible.
(b) La visualisation et l’écriture
En suivant la technique proposée par Aboulafia, il faut utiliser la forme des lettres comme support à la méditation.
Pour ce faire, prenez une feuille blanche sans ligne, de l’encre noire et une plume taillée en biseau qui permet le tracé des pleins et des déliés. Après une séance de respiration et de méditation on trace une série complète de lettres de l’alephbeth selon la forme rituelle de celles-ci. Il faut tracer les lettres en les intériorisant et en cherchant quelles sont leurs actions sur nous-mêmes. Il faut se laisser envahir, pénétrer par les lettres et leurs formes. Ensuite, on reprend chaque lettre une à une et l’on médite alors en les visualisant et en cherchant les images et sentiments que ces lettres entraînent au niveau intime de notre être. Ensuite, on cherche la signification de chaque lettre au niveau collectif et macrocosmique.
Le mieux est de pratiquer cet exercice en groupe après s’être exercé seul. Lors des méditations de groupe, on cherchera à confronter les impressions et les idées qui émanent de la méditation de chaque membre du groupe.
Lorsque l’on s’est familiarisé avec cette forme de méditation, on peut commencer à méditer et pratiquer certains exercices sur son nom, puis étendre cette recherche sur le nom des membres de sa propre famille et finir par opérer sur les noms de Dieu. Et en fait, on arrive à l’essence du but des exercices préconisés par Aboulafia, opérer par méditation sur soi d’abord et chercher les clés de dénouage des nœuds dans la pratique du TSEROUF.
Le tserouf, une méthode de kabbale prophétique, Spartakus Freemann, 2002 (révision juin 2008)