Le Mal par Cirdec.
Introduction : Je voudrais vous proposer de mettre de côté au moins pour un temps, ce que vous savez de ce texte connu. Il convient d’écarter tous les titres du type « récit de la chute » qui sont une interprétation du récit fondée sur l’apôtre Paul : Rm. 5/12-21; I Co 15/20-22, 45-49 ; et accessoirement I Tim. 2/9-15. C’est cette lecture paulinienne qui oriente la lecture de Gn 3 comme récit de chute, ou de péché originel, dans laquelle l’église va figer ce texte. Il convient également d’oublier Genèse 1 ( « tout est bon ») qui n’a pas toujours été placé avant Genèse 2 Inversement, et contrairement à nos habitudes de lecture, il faut absolument maintenir ensemble les deux chapitres 2 et 3 qui constituent un même récit.
Il y a dans la Bible des représentations diverses des origines du monde connu :
– Genèse 1 : le chant de la création
– Job 38
– Psaume 104
– Proverbes 8
– Divers passages d’ Isaïe….
Dans tous ces passages les auteurs de l’AT empruntent aux sagesses et aux mythes des origines des peuples qui les entourent : Mésopotamie, Égypte, mais aussi civilisation cananéenne… La spécificité des écrits bibliques n’est donc pas dans la vision que l’homme a du monde à ces époques reculées, ni même dans les processus de création décrits. La parole propre de la Bible n’apparaît que lorsque nous sommes en mesure de mesurer la distance qui sépare les récits bibliques des mythes et des représentations courantes dans l’antiquité. Une différence qui se résume en un mot : le monothéisme. Cette différence est déterminante pour des poèmes, des chants, des mythes dont le but n’est pas d’établir une vérité scientifique, mais de situer l’humain dans le monde où il vit et face au divin.
Si, parmi les différents passages qui évoquent les origines, je vous propose la « parabole de l’arbre interdit » de Genèse Ch. 2 et Ch. 3, c’est que cette vieille histoire de l’homme, de la femme et de l’arbre comporte un ensemble d’originalités qui le distinguent des autres récits Bibliques, au point que ce récit, pour célèbre qu’il soit, n’est plus évoqué nulle part dans le reste de l’Ancien Testament.
C’est en effet le seul récit biblique de la création qui prenne en compte la question subsidiaire (concours où la question « subsidiaire » est bien plus ardue que toutes les autres) : D’où vient le mal ? Les réponses offertes par les religions de l’Antiquité sont de trois types :
a) le type de » l’âme exilée » C’est celui que nous rencontrons aujourd’hui sous la forme des théories de la réincarnation ou de la métempsycose qui nous viennent d’une mode orientaliste. Mais cette idée apparaît en Grèce antique, chez les philosophes grecs (Platon), on la retrouve dans les milieux gnostiques, chez les manichéens et les Albigeois du Moyen-Age. L’idée est, très schématiquement celle-ci : l’âme est, à la suite d’une « chute » prisonnière du mal absolu qu’est la matière. Elle ne peut retrouver la paix qu’en se libérant du corps et de la matière. Le but n’est donc pas d’être réincarné, mais d’échapper au recyclage dans la matière. C’est un mode de pensée qui conduit à un mépris du corps qui devient « l’ennemi » de l’âme. Cela peut se traduire de diverses manières dans la conduite pratique des humains. Certaines formes de gnoses apparemment celles combattues par les écrits johanniques semblent avoir dissocié complètement les actes visibles du corps qui n’ont aucune importance, le salut étant « tout spirituel », « sans les œuvres ».
b) le type « tragique » Ce type est représenté par la mythologie de l’ancienne Mésopotamie. On pourrait aussi l’appeler celle du « dieu méchant ». Le mal expérimenté par l’homme est en effet la conséquence directe de la volonté d’un ou des dieux : l’homme est créé pour prendre sur lui le labeur des dieux, il est l’enjeu tragique de leurs conflits ou de leur colère et il ne peut que tenter de les amadouer comme il peu. Le mal n’est pas dans ce cas « péché » au sens de faute morale. L’humain se heurte en aveugle, à des volontés divines dont il n’est absolument pas maître. On peut penser que ce type de compréhension du mal n’existe plus. Il semble que l’expression moderne de ce mythe se trouve pourtant dans tous les discours, scientifiques ou non qui parlent de hasard aveugle, de conséquences naturelles de lois physiques ou météorologiques, mais aussi de destin, de chance, ou de l’influence aveugle des astres sur les destins humains. C’est aussi la compréhension de la vie humaine que nous exprimons par une certaine manière de parler de la volonté de Dieu qui nous échappe, à laquelle nous ne pouvons que nous soumettre, qu’il n’y a plus qu’à subir. Ou lorsque nous parlons de « possession » par un ou des esprits mauvais. (Satan !) Ce type de compréhension du mal a un avantage certain : il nous dégage de toute responsabilité. nous ne sommes que les jouets de forces qui nous dépassent.
c) Le type « adamique » représenté par notre récit, Mais aussi par ensemble de récits que nous retrouvons aujourd’hui en Genèse 1- 11 et qui sont tous aussi célèbres : Caïn et Abel, Déluge, Tour de Babel. Ces récits, tels qu’ils se trouvent dans la Bible sont tous des » récits des origines « , c’est-à-dire des récits hors du temps, des récits d’avant que commence l’histoire qui seule préoccupe les auteurs de la Bible : l’histoire du peuple élu, Abraham et sa descendance. Ces récits qui ont, malgré leur diversité, exactement le même schéma général constituent une sorte de prologue qui explique ou justifie le fait que Dieu choisisse un humain parmi tous les autres pour donner naissance à un peuple élu.
Le récit que nous lisons ici, sans doute dès sa rédaction, le début de ce prologue, je vous propose de l’aborder comme on aborde une pièce de théâtre, en observant le décor, puis les personnages, avant de soulever d’autres questions.
I – Le décor
1.1 » La création » Vv 4-7
2.4b Au jour de faire YHWH Elohim terre et cieux,
5 Tout buisson des champs n’était pas encore sur terre. Et toute herbe des champs ne germait pas encore, car YHWH Elohim n’avait pas encore fait pleuvoir sur l’adama ; Et pas d’adam pour cultiver l’adama.
6 Une vapeur s’élève de la terre, elle arrose toute la face de l’adama.
7 YHWH Elohim façonne l’adam, poussière de l’adama,il insuffle en ses narines haleine de vie : et c’est l’adam, un être vivant !
A la manière d’un poème… l’état d’origine, au départ de tout, est décrit comme l’absence de ce que l’auteur et ses lecteurs connaissent. Et la création n’a rien de Cosmique. Il n’est pas question d’une création du monde. En tout cas la création à laquelle nous assistons est une création modeste que Dieu ne semble pas accomplir tout seul à partir de rien : il y a une terre, il y a cette » buée, vapeur… «
1.2 « le jardin » Vv 6-14 (lire ou faire lire)
6 Une vapeur s’élève de la terre, elle arrose toute la face de l’adama.
7 YHWH Elohim façonne l’adam, poussière de l’adama,il insuffle en ses narines haleine de vie: et c’est l’adam, un être vivant!
8 YHWH Elohim plante un jardin en Eden, à l’Orient. Il y place l’adam qu’il a façonné.
9 YHWH Elohim fait germer de l’adama tout arbre agréable à voir et bon à manger; Et l’arbre de vie au centre du jardin,Et l’arbre à connaître bon et mauvais.
10 Un fleuve sort de l’Eden pour arroser le jardin; de là il se divise en quatre têtes.
11 Le nom de l’un: Pishone, il contourne toute la terre de Hawila où se trouve de l’or
12 et l’or de ce pays est bon – Là sont le bdellium et la pierre d’onyx.
13 Le nom de deuxième fleuve: Guihône, il contourne la terre de Koush.
14 Le nom du troisième fleuve: Hideqel, il va à l’Orient d’Ashour.Le quatrième fleuve, c’est le Prath.
On voit bien ce que l’antiquité appelle un Jardin. C’est une résidence royale qui bénéficie des choses les plus précieuses dans l’antiquité orientale : l’eau, les arbres et leur ombre, un luxe inouï alors. Les temples également sont très souvent entourés d’un jardin Les indications de genèse donnent au jardin une taille considérable : nous connaissons le Tigre et l’Euphrate, le Guihône correspond au Nil. Le pays de Hawilah n’est pas identifié, mais pourrait être soit l’Arabie, soit l’Inde, et est souvent cité pour ses pierres précieuses et son or. Le Jardin est planté d’arbres fruitiers, c’est un grand verger dont les fruits sont tous » plaisants à regarder et bon à manger » et qui n’ont donc rien à envier à l’arbre qui est au centre du récit.
1.3 « Les arbres du milieu du jardin »
9 YHWH Elohim fait germer de l’adama tout arbre agréable à voir et bon à manger ; Et l’arbre de vie au centre du jardin,Et l’arbre à connaître bon et mauvais.
En 2/9 apparaissent deux arbres au milieu du jardin : l’arbre de vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. La question : lequel des deux est au milieu est une interrogation moderne qui comprend « milieu » comme centre géométrique. Les deux arbres sont le résultat d’un processus littéraire qui a uni deux récits ou mêlé deux thèmes traditionnels. L’arbre de vie est connu par ailleurs dans la Bible : En Pr. 3/18; 11/30; 13/12; 15/4 il est évoqué comme une image traditionnelle. En Apocalypse 2/7;22/1-2.14.19 au contraire c’est la fin de l’éloignement de l’arbre de vie qui est annoncé pour les fidèles.
L’arbre de vie est également connu par les écrits intertestamentaires : Citations tirées de La Bible – Écrits Intertestamentaires – A. DUPONTSOMMER et M. PHILONENKO éds. On trouvera dans ce même ouvrage, dans « la vie grecque d’Adam et d’Ève », livres VII -XXX une version midrashique de Gn 2-3.
Testament de Lévi, XVIII, 10-11 : C’est lui (le Prêtre nouveau)qui ouvrira les portes du Paradis, qui écartera l’épée qui menace Adam. Il donnera aux saints à manger du fruit de l’arbre de vie, et l’esprit de sainteté sera sur eux.
Hymnes (de Qumran) O, 5-6 [tu planta]s un plan de cyprès et d’ormes; mêlés avec des buis, pour ta gloire des arbres de vie, dans un domaine mystérieux sont cachés au milieu de tous les arbres d’eau et (ces arbres de vie) feront pousser un rejeton pour la plantation éternelle I Hénoch XXIV, 4-5. XXV,4-5 Parmi ces arbres, il en était un dont je n’avais jamais senti l’odeur – et nul autre n’avait eu ce bonheur- et qui n’était pareil à nul autre. Il répandait un parfum plus odorant que tout aromate ; son feuillage, ses fleurs et l’arbre lui-même ne dépérissent jamais. J’ai dit alors : que cet arbre est beau et odorant! Que ses feuilles et ses fleurs sont plaisantes à voir ! (Michel, un des saints anges explique à Hénoch) Quant à l’arbre odorant, nulle chair n’a le droit d’y toucher avant le jour du grand jugement qui verra le châtiment universel et l’accomplissement définitif. Alors, c’est à des justes et à des saints qu’en sera donné le fruit, ceux qui sont élus pour la vie le recevront en nourriture et il sera replanté en un lieu saint, près de la maison de Dieu le roi éternel.
II Hénoch VIII, 2-4 Et l’aspect de ce lieu (le paradis) est d’une beauté qu’on ne peu pas savoir : tout arbre est bien fleuri, tout fruit mûr, toute nourriture toujours à profusion, tout souffle embaumé. Et quatre rivières coulent d’un cours tranquille le long d’un jardin qui produit toute espèce bonne à manger. L’arbre de la vie est à cette place où le seigneur repose, quand il entre dans le paradis, et cet arbre est d’une bonne odeur indicible.
IV Esdras VIII 52-54 :
Le paradis a été ouvert,
l’arbre de vie planté
le siècle futur apprêté
l’abondance préparée
la citée édifiée
le lieu de repos choisi
le bien achevé
et achevé à l’avance la sagesse.
la racine du mal a été scellée loin de vous
loin de vous effacée la maladie
la mort a été cachée
le shéol s’est enfui
la corruption est oubliée
les douleurs sont passées
et, à la fin, le trésor de l’immortalité a été montré.
Bien avant les écrits bibliques le thème de l’arbre de vie se trouve dans des textes mésopotamiens. Par exemple dans l’Épopée de Gilgamesh, Tablette XI, aux lignes 266-295, on retrouve la même quête de la plante de vie qui est dérobée au héros par un serpent. Mais si le thème de l’inaccessible arbre de vie est relativement courant comme un élément du fond commun du folklore de l’orient il n’en va pas de même de l’arbre de la connaissance du bien et du mal :
Celui-ci ne figure qu’en Gn 2-3. Encore n’est-il nommé ainsi qu’en 2/9 et 17. En 3/2 c’est l’arbre qui est au milieu du jardin, en 3,6.12, l’arbre, en 3/11.17 l’arbre dont je t’avais ordonné de ne pas manger. Ce qui conduit à penser que l’auteur de Gn. 2-3 ayant fondu un récit concernant l’arbre de « vie » et un autre concernant un arbre « interdit » mais sans nom précis a forgé lui-même l’expression « arbre de la connaissance du bien et du mal » à partir de ce qui est dit de l’arbre en 3/5-7. Ce qui signifie qu’il ne faudrait pas chercher ailleurs la signification de cet arbre.
Dans l’AT, connaître n’est pas un simple savoir. On sait que le verbe sert à parler de la relation sexuelle (Gn. 4/1.17.25). Connaître implique une notion de familiarité et d’expérience. On peut donc dire que celui qui consomme du fruit de cet arbre fait « l’expérience du bien et du mal » et qu’après en avoir mangé, le terreux et sa femme firent « l’expérience de leur nudité ». Connaître est l’affaire du sage, cela lui permet une conduite habile et efficace.
En Gn. 2-3 par contre la vision est moins positive, la connaissance étant interdite à l’homme, puis, lorsqu’il y accède, elle est connaissance négative !
Le bien et le mal : On a beaucoup débattu sur le sens de cette formule : doit-on la comprendre dans un sens moral : savoir (distinguer) le bien du mal, voire « décider du bien et du mal » ? . En Gn 24/50 les parents de Rebecca disent à l’envoyé d’Abraham : « nous ne pouvons te dire ni bien ni mal » ce qui signifie : « ni oui ni non » ou nous ne pouvons rien dire du tout. La même expression se retrouve en Gn 31/24.29. II Sm 13/22 dans la même sens. En Nb 24/13 elle indique que Balaam ne peut rien faire; En Jr 42/6 ceux qui consultent Jérémie se disent prêt à obéir à Dieu que sa parole soit du bien ou du mal donc, quoi qu’il dise. II Sm 14/17 enfin il est dit que David peut « entendre le bien et le mal », qu’il peut tout entendre.
Ces exemples invitent à voir dans « bien et mal » une expression du même genre que « les cieux et la terre « .
En Gn 1/1 il s’agit bien de « tout connaître », non pas comme un savoir intellectuel, mais au sens de « connaître, avoir l’expérience » de tout ce qui permet à l’homme de mener sa vie, de se débrouiller tout seul sur la terre.
II Les personnages
1.1 Dieu
La désignation de Dieu comme « Adonaï Elohim », est très particulière et unique dans l’AT. Elle est un indice de l’unité de Genèse 2-3. Elle est sans doute liée à la rédaction qui unit des récits où le Dieu d’Israël est désigné par son nom propre (Adonaï YHWH) à ceux où il est désigné par un nom commun (Elohim).
Dieu est présenté dans notre récit comme un prince oriental qui dispose de son palais, de son Jardin et d’un couple de serviteurs. Il est assez familier avec ses serviteurs et semble les rencontrer régulièrement lorsqu’il prend le frais dans son jardin. Ce n’est pas un dieu oisif, puisqu’il modèle de ses mains l’homme, les animaux, comme un potier ( ce n’est pas une création par la parole !) Son activité spécifique est de donner la vie : il fait germer, transforme les statuettes d’argile en êtres vivants. Ce n’est qu’à la fin du récit, presque en appendice qu’apparaissent des personnages « célestes ».
1.2 L’homme
L’hébreu implique un jeu de mot permanent. L’humain y est désigné comme ADAM ; alors que le sol cultivable est appelé ADAMAH. Gn 2-3 explicite ce jeu de mot qui rappelle que l’homme est tiré du sol et y retourne. Mais la langue hébraïque signale de manière constante ce lien entre l’homme et le sol cultivable, ce dernier étant le « lieu de vie » naturel de l’humain et non le désert, ni la mer. La vie est mise en l’homme par le souffle de Dieu/ L’haleine de vie, : Le terme « neschamah » traduit ici par haleine n’implique généralement pas la notion d’Esprit. Il est parfois utilisé pour désigner le « souffle » du vent, son bruit, mais plus généralement il désigne la respiration, le souffle de vie et peut évoquer » tout ce qui vit « . Il peut être question également du souffle de Dieu destructeur brûlant, bénéfique, glacial.
Cette « haleine » de Dieu ne donne pas seulement à l’homme la vie animale, corporelle, mais aussi un esprit, au sens de capacités intellectuelles. Ces deux passages établissent un parallélisme avec ruach. Gn. 7/22 associe les deux termes dans une expression intraduisible :
« Tout ce qui (avait) une haleine de souffle de vie dans son nez ». נִשְׁמַת־רוּחַ חַיִּים בְּאַפָּיו מִכֹּל אֲשֶׁר בֶּחָרָבָה מֵתוּ ׃ כֹּל אֲשֶׁר.
Voici quelques options des traductions : « tout ce qui a haleine, souffle de vie en ses narines » Chouraqui, « Tous ceux qui respiraient l’air par une haleine de vie » TOB, » tout ce qui possédait un souffle de vie » FC, » Tout ce qui était animé d’un souffle de vie » Segond, « tout ce qui avait (en ses narines ) une respiration d’esprit de vie » Pléiades ; Segond révisée (« colombe « ), en note » Tout ce qui avait respiration, souffle de vie dans les narines » Segond révisée Genève, » Tout ce qui avait une haleine de vie dans ses narines » B.Jérusalem, et Genèse 6/3 emploie « ruach » alors même qu’il y a allusion directe à Genèse 2/7. Cela n’indique pas seulement que les deux termes sont parfois au moins interchangeables. Mais pose la question : quel est ce souffle de vie que Dieu met en l’homme ? Un être vivant. Parfois encore traduite par » âme vivante « [Pléiade ; cette traduction est à éviter] l’expression s’applique à toute vie animale (Gn. 2/9), qu’elle distingue ainsi de la vie inanimée des plantes. Le terme traduit ici par être, nêphêsch, désigne fondamentalement la vie.
Dans notre récit l’absence de l’homme et de la pluie explique l’absence de végétation. L’homme est ainsi d’emblée destiné à travailler le sol, non à dominer la terre. Son travail cependant est une collaboration directe avec Dieu dans la création. Employé dans le Jardin, c’est un emploi privilégié, dans un cadre agréable. Placé dans ce Jardin l’homme peut aussi en disposer presque à sa guise, à l’exclusion d’un arbre dont la consommation, dit Dieu, serait mortelle.
Avant de discuter de cette interdiction, il convient de relever la situation extraordinaire faite au » terreux » dans ce récit. Certains récits babyloniens nous montrent les dieux décidant de créer l’homme pour avoir des esclaves pour les tâches difficiles et les anéantissant parce qu’ils font trop de bruit. Le Dieu unique de notre récit est autrement généreux !
1.3 La femme
Cela peut paraître étrange, mais il faut vraiment lire ensemble le récit de la création des animaux et de la femme. Non pour mettre la femme au rang des animaux, mais précisément pour la raison contraire. Remarquons d’abord que là, c’est Dieu qui fabrique et l’homme qui nomme les animaux créés, assignant à travers ce nom une classification des espèces, auquel il donne ainsi une place dans la création. Précisément, le terreux ne reconnaît aucun animal comme un vis-à-vis ( et tant pis pour les » meilleurs amis de l’homme, chien, chat, ou cheval…). Le seul vis-à-vis que l’homme puisse trouver est une partie de lui-même. Si vous vous souvenez que les divinités païennes sont souvent figurées par des animaux, la démarche de l’auteur est claire : les animaux, tous les animaux, y compris le serpent, sont des créatures du Dieu d’Israël, jamais des divinités. Alors que tous les textes de l’Ancien testament sont marqués par un certain machisme. Et vous remarquerez que lorsque la femme lui est présentée, l’homme ne lui donne pas un nom, il explose d’enthousiasme d’avoir trouvé une égale, une vis-à-vis. De même ce commentaire de l’auteur qui a longtemps servi à tort comme texte d’institution du mariage, et qui annonce que l’homme quittera père et mère et non la femme, ce qui pourtant est la pratique générale dans le monde oriental (y compris dans la parabole de Jésus dites des « vierges sages et les vierges folles » Mt 25,1-13).
La nudité :
C’est un des éléments qui a conduit à penser que la faute est commise est d’ordre sexuel. C’est une lecture qui a envahit le texte alors que ce n’est qu’un élément parmi d’autres. Ce qui est dit ici c’est qu’ils ne sont pas dans la honte et le verbe employé indique aussi l’idée d’humiliation, d’abaissement, de confusion. C’est donc plutôt la fragilité humaine qui est en cause.
1.4 Le serpent
Le serpent est présenté comme une créature de Dieu apparue dans l’épisode de la création des animaux. Sa place est résolument non-divine, ni angélique. L’assimilation satan-serpent n’est pas dans le récit mais dans les interprétations plus tardives. malin : Le terme hébreu qui qualifie le serpent n’apparaît que 11 x dans l’AT, Pr . 12/16.23; 13/16; 14/8.15.18; 22/3; 27/12, où le mot a le sens positif de « prudent, avisé » et avec un sens péjoratif en Job 5/12 et 15/5 où l’accent est plutôt mis sur la tromperie et la ruse. L’idée est celle d’une capacité à se débrouiller qui n’est pas nécessairement malhonnête. L’adjectif n’est pas un jugement sur le serpent. Il constate simplement qu’il est plus adroit que les autres animaux.
II. Question que l’on pourrait se poser
A) qu’est-ce qui change entre le début et la fin du récit ?
1- le serpent avait-il des pattes ? La condamnation du serpent, au v. 14 évoque la réalité du reptile traînant dans la poussière et en fait une conséquence de la malédiction qui pèse sur lui. Faut-il en déduire que le récit suppose que le serpent avait un jour des pattes ? Pour naïve qu’elle soit, la question n’a pas de réponse évidente le texte étant parfaitement silencieux sur ce point. Sans doute faut-il répondre en fonction de ce qui apparaît à propos d’autres questions.
2 – la femme ne devait-elle pas être mère ? Il est vrai que dans le développement de la Genèse, le couple initial n’a pas d’enfants avant Gn. 4 et que cela a contribué à faire de la faute de Gn 3 une faute de caractère sexuel.. Cependant, on peut observer que : – Gn 3/16 n’évoque pas la grossesse et l’enfantement comme des réalités nouvelles, ni même les peines liées à la reproduction humaine qui sont ici « multipliées » et non une nouveauté – Gn 2/23 et 24 présentent l’union de l’homme et de la femme comme une réalité positive. Gn. 2/24 parle de père et de mère ce qui présente la formation du couple et de la famille comme faisant partie de l’état de création. Ce qui change entre la situation d’avant et d’après la faute, c’est le poids de souffrance qui fait irruption. Un second changement intervient qui est rarement noté : en Gn 2/23 l’homme reconnaît la femme comme son égale et 2/24 indique un mouvement d’attachement de l’homme vers la femme. En 3/16 c’est un mouvement inverse qui est décrit, et une domination de l’homme sur la femme.
3 – L’homme ne devait-il pas travailler ? Cette fois la réponse est évidente : 2/5 indique que la fonction de l’homme est de travailler le sol, et c’est exactement ce qu’il fait selon 3/23, les mêmes mots revenant dans les deux passages. 2/15 que l’homme est charger de cultiver et de garder le jardin. Le verbe employé dans les deux cas est de la même racine que les termes servitude ou serviteur, c’est à dire, esclave. Le terme indique donc ici pour le moins un labeur. Par contre en Gn 3/17-19 l’accent est mis sur le caractère pénible, éprouvant, en même temps que sur l’inefficacité des efforts de l’homme pour assurer sa survie. Ainsi ce qui change, ce n’est pas l’apparition du travail comme une condamnation, mais le caractère du travail : en Gn 2 le travail de l’homme est une forme de participation à la création divine : Dieu a créé le jardin, l’homme en assure la pérennité et en tire sans trop de difficulté des fruits agréables. En Gn 3, l’homme s’épuise pour finalement se nourrir de l’herbe de la campagne.
4 – La question de la nudité et du vêtement. Là encore les données du texte sont claires : Selon Gn. 2/25 l’homme et la femme sont nus et cela ne leur cause aucune gêne. Mais en 3/7.10. ils ne sont pas plus nus qu’avant, mais cette nudité les dérange et leur est pénible. La même réalité est désormais appréciée négativement Le vêtement leur devient indispensable comme une protection du regard de l’autre et de Dieu. Et c’est cette protection par le vêtement que Dieu leur donne en 3/21.
5 – la question de la mort. Est plus délicate à préciser. En Gn 2/17 la menace de mort est étroitement liée au fait de manger de l’arbre. Mais l’expression hébraïque intensive « tu mourras de mort » qui apparaît ici et en 3/4 signifie de manière presque générale la mort violente et immédiate même s’il s’agit d’une mort par maladie. C’est la formule de condamnation à mort et celle qui désigne l’exécution, elle exprime l’impatience des ennemis à voir mourir. Le seul cas repéré où l’expression désigne la mort naturelle est II Sm 14/14 où l’expression sert à souligner la certitude absolue de la mort. En Gn 2/17 De l’arbre à connaître bon et mauvais, tu n’en mangeras pas, car du jour où tu en mangeras, de mort tu mourras ». et Gn 3/3-4-5 3 « vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, (de peur) que vous ne mourriez ». 4 Le serpent dit à la ishsha: « non vous ne mourrez pas de mort. 5 Car Elohim connaît: du jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme Elohim connaissant bon et mauvais ». On trouve en effet la menace » le jour où tu… tu mourras de mort » et son exécution. Dans ces conditions, la menace de 2/17 ne signifie pas que l’homme est immortel et que la faute le rend mortel. En Gn 3/17-19 17 A Adam il dit: « Parce que tu as entendu la voix de ta femme et mangé de l’arbre dont je t’avais ordonné en disant: « tu n’en mangeras pas ». Maudit l’adama à cause de toi. Dans la peine tu t’en nourriras tous les jours de ta vie. 18 Epine et chardon il fera germer pour toi, Tu mangeras l’herbe des champs. 19 A la sueur de tes narines tu mangeras le pain jusqu’à ton retour à l’adama dont tu as été pris. Car poussière tu es, à la poussière tu retourneras ».
La mort n’apparaît pas comme la punition de l’homme. Tout l’accent porte sur la précarité et la difficulté de se nourrir. Au v. 17 « tous les jours de ta vie » signale déjà que la vie de l’homme comporte une durée limitée. Et au v. 19 » jusqu’à ton retour à l’adama dont tu es pris et tu retourneras à la poussière. » ne peut pas être compris comme la condamnation puisqu’il s’agit de marquer la limite de la peine infligée à l’homme. Au contraire, la dernière explication, « car tu es poussière » renvoie à la réalité humaine lors de sa création en Gn 2/7 YHWH Elohim façonne l’adam, poussière de l’adama, il insuffle en ses narines haleine de vie : et c’est l’adam, un être vivant ! Le récit pourtant laisse planer un doute. C’est le problème de l’arbre de vie, planté lui aussi au milieu du jardin selon Gn 2/9 YHWH Elohim fait germer de l’adama tout arbre agréable à voir et bon à manger; Et l’arbre de vie au centre du jardin, Et l’arbre à connaître bon et mauvais. et dont Dieu tient l’homme à l’écart de manière énergique en 3/22-24 22 YHWH Elohim dit: « Voici, l’adam est devenu comme l’un d’entre nous pour connaître bon et mauvais. Maintenant qu’il n’envoie pas sa main, ne prenne aussi de l’arbre de vie, ne mange et ne vive à perpétuité. » 23 YHWH Elohim l’envoie hors du jardin d’Eden pour cultiver l’adama dont il est pris. 24 Il chasse l’adam. Il installe à l’Orient du jardin d’Eden les chérubim et la flamme de l’épée tournoyante pour garder la route de l’arbre de vie. Faut-il comprendre que l’arbre de vie était interdit lui aussi, qu’il était identique à l’arbre de la connaissance? Ou que l’homme y avait accès jusqu’à ce qu’il soit expulsé du jardin? Cette dernière solution a l’avantage de rendre au récit une cohérence globale : Bien que mortel par nature, l’homme d’avant la faute n’éprouve pas le poids de la mort sur son existence parce qu’il a accès à l’arbre de vie. Écarté de ce dernier, il est confronté à la réalité de son être, à son caractère mortel qui pèse désormais sur son existence.
Résultats
Après cette première série de questions, on peut énoncer deux résultats d’ensemble :
1° Le narrateur laisse planer un certain flou dans son récit, ne cherche pas à tout préciser, à expliciter chaque détail. Il laisse son lecteur (ou son auditeur) compléter, interpréter.
2° Le récit complet de Gn 2/4a-3/25 compris comme récit de création, fait apparaître une explication globale de la réalité humaine : la vie, sa beauté et sa grandeur et sa fragilité et ses misères. Contrairement à Gn 1 pour qui tout est bon, notre récit prend en compte la complexité de la vie terrestre où se mêlent joies et peines.
3° Il apparaît assez clairement que les aspects positifs de cette réalité humaine sont attribués à l’oeuvre créatrice de Dieu.
4° Il apparaît également que les aspects négatifs pèsent sur l’humanité à la suite d’une faute.
5° Il est cependant impossible d’affirmer que ces aspects ne faisaient pas partie de la création divine, l’homme et la femme en étant protégés par leur fonction dans le jardin de Dieu et n’en prenant conscience qu’après la faute.
Il reste à examiner qui le texte rend responsable de la faute et la nature de celle-ci
B) A qui la faute ?
1 – l’homme ?
C’est lui en effet qui a reçu l’ordre de Dieu (Gn 2/17) : « De l’arbre à connaître bon et mauvais, tu n’en mangeras pas, car du jour où tu en mangeras, de mort tu mourras ». C’est lui que Dieu interroge en premier et le plus longtemps en 3/9-12. Il est en tout état de cause celui que Dieu tient pour responsable. Il est cependant particulièrement inactif et silencieux dans l’accomplissement de la faute; de sorte que sa faute, s’est de s’attacher à sa femme sans faire de réserve. Il ne nie pas la faute, mais il en renvoie la responsabilité sur la femme (Gn 3/12) L’adam dit : « La ishsha que tu as donnée avec moi, elle m’a donné de l’arbre ; j’ai mangé ».
2- la femme ?
C’est elle qui accomplit le geste et s’empare du fruit de l’arbre. C’est elle qui cède à l’attrait du fruit et la description faite en Gn 3/6 « vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, (de peur) que vous ne mourriez. » du mouvement du désir et de sa satisfaction rend presque inutile l’intervention du serpent. Cependant la femme n’a pas reçu de Dieu l’interdiction de consommer de l’arbre et c’est l’homme qui reste responsable de son application. Il y a entre l’ordre de Gn 2/17 De l’arbre à connaître bon et mauvais, tu n’en mangeras pas, car du jour où tu en mangeras, de mort tu mourras ». et sa re-formulation une différence importante : la femme ajoute « et vous n’y toucherez pas » Ce renforcement de l’interdiction est curieux si l’homme est censé garder et cultiver aussi cet arbre là. Il apparaît comme une barrière supplémentaire que l’on se donne à soi-même quand on n’est pas très sur de soi. Enfin, la femme ne conteste pas non plus sa faute, mais en renvoie la responsabilité sur le serpent.
3- Le serpent ?
Il est devenu presque naturel d’identifier le serpent à Satan, au diable. Avant de faire éventuellement un tel rapprochement qui n’est jamais fait dans la Bible, il est pour le moins prudent d’observer le texte de Gn 3, 1 Le serpent était plus rusé que tout vivant des champs qu’avait fait YHWH Elohim. Il dit à la ishsha : « Soit! Elohim l’a dit : vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin » Le serpent est clairement à l’origine de la faute. Dieu le sanctionne sans l’avoir interrogé de sorte qu’il ne peut ni se défendre, ni renvoyer lui aussi la responsabilité sur un autre. Ce n’est cependant pas lui qui a pris du fruit de l’arbre. La femme lui reproche de l’avoir abusée, trompée.
Or, le seul mensonge clair du serpent c’est l’observation par laquelle il engage la conversation en Gn 3, 1 :… Il dit à la ishsha: « Soit! Elohim l’a dit: vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin » Affirmation tellement énorme que la femme est obligée de rectifier en rétablissant la vérité, mais en apportant, elle aussi, un correctif au commandement de Dieu. Mais les autres affirmations du serpent s’avèrent vraies : L’homme et la femme ne meurent pas sur le coup. Leurs yeux s’ouvrent et ils connaissent ce qu’ils ignoraient (cf. vv.5 et 7) et Dieu confirme lui-même qu’ils sont devenus comme l’un de nous pour connaître le bien et le mal (cf. vv 5 et 22).
Si le serpent n’a pas menti et s’il n’a pas prit du fruit de l’arbre quelle est sa faute ? Pourquoi est-il puni ? Pour qu’il ne dise pas ce qu’il sait encore ?
4 -Dieu ?
A deux reprises, le récit laisse entrevoir la responsabilité de Dieu. Tout d’abord dans la défense de l’homme : la femme que tu m’as donnée à mes côtés… la femme qui entraîne l’homme dans sa faute est placée là par Dieu lui-même et l’homme laisse entendre que Dieu n’a qu’à s’en prendre à lui-même s’il se trouve désobéi et lésé. On peut observer qu’à ce moment là l’homme oublie le cri de joie de Gn 2/23 L’adam dit: « celle-ci (ou ceci) cette fois os de mes os et chair de ma chair. Celle-ci sera criée ishsha Car d’un îsh celle-ci est prise » ou que selon un procédé devenu courant dans les tribunaux, il tente de transformer la victime en coupable. Cependant le narrateur lui-même ouvre une porte sur la responsabilité de Dieu dès Gn 3,1: Le serpent était le plus malin des animaux de la campagne que Adonaï Elohim avait fait.
L’instigateur de la faute n’est pas une puissance du mal, ni un ange déchu. Il est une créature de Dieu, modelé avec les autres animaux en Gn 2/18-20 :
18 YHWH Elohim dit: « il n’est pas bon que l’adam soit seul ; Je lui ferai un secours comme-face-à-lui ».
19 YHWH Elohim façonne de l’adama tout vivant des champs, tout oiseau des cieux. Il (les) amène vers l’adam pour voir ce qu’il leur crie. Et tout vivant auquel l’adam crie: tel est son nom.
20 Et l’adam crie le nom de tout bétail, de tout oiseau des cieux et de tout vivant des champs. Et pour l’adam il ne trouve pas un secours comme-face-à lui.
Ainsi, Dieu a fait le serpent qui abuse la femme, il a fait la femme qui entraîne l’homme et il a fait l’homme qui se laisse entraîner : Dieu a tout mis en place pour que cela tourne mal. On pourrait ajouter comme une boutade : s’il ne voulait pas qu’on y touche, il n’avait qu’à planter son arbre ailleurs ! Comme les parents mettent à l’abri des enfants ce qui risque de leur faire du mal ou ce dont on a peur qu’ils fassent un mauvais usage. Mais c’est sortir du cadre du récit.
Résultats
Cette deuxième série d’interrogation montre qu’au-delà du jeu habituel des renvois de responsabilité – « c’est pas moi, c’est lui /elle »- le narrateur laisse pour le moins ouverte la question de la responsabilité. On pourra ouvrir et rouvrir le procès à l’infini pour départager les responsabilités de chacun, mais le récit lui-même ne désigne pas un coupable unique. Rapporté aux résultats de la première série d’interrogations ce constat conduit à l’idée que, la réalité humaine étant faite de bonheurs et de peines, et Dieu ayant initialement créé pour l’homme une situation agréable (Gn 2/7- 16. 18-24), la question qui préoccupe l’auteur est moins « qui est coupable ? » que « qu’est-ce qui s’est passé ? »
C) Quelle est la nature de la « faute » La réponse à cette question est obscurcie par des siècles de débats. Aussi longtemps que la Genèse a été lue comme un récit historique continu Gn 3 apparaissait comme la faute première qui avait fait basculer l’histoire de l’humanité. De cette faute initiale qui entraîne des conséquences néfastes pour toute l’humanité qui va suivre, on a glissé vers la notion de faute originelle qui entacherait chaque humain à sa naissance, ce qui implique une compréhension de la faute originale comme faute sexuelle, compréhension de type ascétique qui induit une forme de mépris pour le corps et donne au monachisme et au célibat des prêtres une vertu supérieure. Il faut impérativement laisser de côté ce type de débat si on veut lire le récit pour ce qu’il est. Il convient en effet de repérer les indications du texte lui-même. Le premier élément à prendre en compte, puisque c’est lui qui est au centre du récit comme il est au centre du jardin, c’est la nature de l’arbre. Or, nous avons vu que c’est un arbre qui donne la connaissance, l’expérience, du bien et du mal, c’est à dire de tout. Cette connaissance est, dans notre récit, ambiguë, ou au moins ambivalente.
2 – La faute comme désobéissance ?
La désignation de l’arbre en 3/11.17 : 11 Il dit : « Qui t’a informé que tu es dénudé? De l’arbre dont je t’avais ordonné de ne pas manger, as-tu mangé? » 17 A Adam il dit: « Parce que tu as entendu la voix de ta femme et mangé de l’arbre dont je t’avais ordonné en disant: « tu n’en mangeras pas » Maudit l’adama à cause de toi. Dans la peine tu t’en nourriras tous les jours de ta vie, pourrait induire l’idée que la nature de l’arbre est sans intérêt dans l’affaire et que ce qui compte c’est que Dieu s’était réservé un arbre qu’il conserve pour lui et que l’homme à transgressé l’ordre. La présence de l’arbre dans le Jardin apparaît alors de la part de Dieu, comme une mise à l’épreuve de la fiabilité de l’homme. Mais l’insistance du récit sur la connaissance apportée à l’homme fait que cette explication ne peut être que partielle. C’était peut-être l’accent principal d’un récit plus ancien et l’auteur ne l’a pas supprimé, mais il ne lui donne pas le poids essentiel.
3 – Orgueil humain ?
Le fait que la connaissance du bien et du mal rende le couple humain « comme des dieux » a souvent été compris comme un indice selon lequel la faute serait la volonté humaine de prendre la place de Dieu, d’être Dieu, comme un refus de l’homme de rester à sa place de créature. C’est oublier qu’en Gn 3, 22 : YHWH Elohim dit: « Voici, l’adam est devenu comme l’un d’entre nous pour connaître bon et mauvais. Maintenant qu’il n’envoie pas sa main, ne prenne aussi de l’arbre de vie, ne mange et ne vive à perpétuité. » Dieu reconnaît que l’homme est devenu comme lui pour ce qui est de la connaissance du bien et du mal, Mais que cela n’en fait pas pour autant un (Dieu) a part entière. Autrement dit, et dès le début du récit, la « connaissance du bien et du mal » est comprise comme une des qualités divines et non comme ce qui ferait l’unique différence entre Dieu et la créature.
C’est donc bien cette « connaissance » appelée aussi « habileté » en Gn 3, 6 que Dieu s’est réservée et que l’homme désire et prend : La ishsha voit que l’arbre est bon à manger, désirable pour les yeux, agréable l’arbre pour comprendre. Elle prend son fruit, elle mange. Elle donne aussi à son îsh avec elle. Il mange.. Si la connaissance du bien et du mal est une capacité à maîtriser son existence, il reste dans le désir de l’homme une volonté d’indépendance envers son créateur.
On notera enfin une note d’humour noir dans le récit. D’une certaine manière la connaissance nouvelle de la femme et de l’homme est surtout la connaissance du mal, la découverte de leur fragilité, de la peur, et de leur vie limitée et difficile alors qu’ils connaissaient déjà le bien, la vie paisible dans le jardin, en pleine familiarité avec Dieu.
4 – la faute est-elle sexuelle ?
Après ce qui a été dit et notamment à propos de la femme, il apparaît assez facilement que la réponse est négative. Il faut rajouter que l’interdiction de l’arbre est donnée à l’homme avant la création de la femme, ce qui suffit pour mettre en doute cette compréhension de la faute. Pourtant, on n’en est pas venu à une telle explication sans indice dans le texte. Même si elle a un autre sens, l’évocation de la nudité peut incliner dans ce sens.
5 – peut-on parler de péché ou de faute originelle ou originale ?
Une remarque s’impose : aucun terme exprimant l’idée de péché ou de faute n’apparaît dans le texte lui-même. Gn 2/4 à 3/24 raconte une histoire. Cette histoire là dit que Dieu, en créant l’homme, l’installe dans une situation confortable où il participe à l’organisation du monde et bénéficie de l’abondance de la végétation luxuriante. Ce Dieu donne à l’homme tous les arbres bons à manger et plaisants à regarder, sauf un. C’est de ce « sauf un » que surgit une difficulté qui introduit dans la vie humaine le poids de la fragilité et des souffrances. Ce qui se passe, c’est que l’intervention du serpent qui dit une certaine vérité provoque une rupture de confiance entre le créateur et l’homme.
A bien regarder ce récit, on s’aperçoit qu’il ressemble à celui d’une crise d’adolescence, lorsque l’enfant cesse d’admettre que les parents ont raison, doute de leur intention à son égard et cherche à voler de ses propres ailes. Cette comparaison permet de comprendre que la faute n’est ni sexuelle, ni orgueil, ni désobéissance, mais le tout ensemble. La réalité humaine est englobée dans cette méfiance qui dresse les uns contre les autres les quatre acteurs du récit. Compris comme un récit qui veut expliquer la réalité de la vie humaine dans tous ses aspects, ce texte ne peut pas parler d’une faute originelle qui entacherait l’humanité jusqu’à la fin des temps, mais simplement ce moment où la créature/l’enfant, quittant (inévitablement ? mystérieusement ?) une forme de naïveté confiante, la méfiance s’introduit dans son monde et avec elle la découverte des fragilités d’une vie qui s’achève dans la mort.
Conclusions
La particularité du récit est tout d’abord d’introduire une image différente de Dieu. Dieu est d’abord un Dieu « juste » et non un Tyran. Le mal dont chaque humain fait l’expérience n’est pas le résultat d’une lubie divine, mais il est la sanction d’une faute. Le résultat d’une rupture. L’homme ne subit pas une situation dont il serait innocent, et le jugement de Gn 3 individualise les sanctions.
En même temps le récit laisse ouverte la possibilité, que le mal soit extérieur à l’homme, à travers l’intervention du serpent. Il reste une part de tragique dans le récit en ce que le mal est déjà là ! Simplement, ce mal n’est peut-être ni irrésistible ni absurde. Il apparaît comme un mal nécessaire. Si la lecture de Gn 2-3 comme récit d’une crise d’adolescence est correcte, la faute, la rupture est nécessaire pour que l’homme existe face à Dieu comme l’enfant à besoin de « quitter père et mère » pour devenir un adulte. D’une certaine manière, en Gn 3, la faute est nécessaire à Dieu lui-même, pour que la confiance des humains cesse d’être la dépendance de l’animal envers le maître qui le nourrit, pour devenir reconnaissance de l’amour du père (parabole de l’enfant prodigue). Cette lecture n’empêche absolument pas celle de Paul. Au contraire : Adam est celui qui, recevant tout de Dieu, lui refuse sa confiance. Jésus est celui qui, abandonné à la tentation de Gethsémané et de la croix, fait confiance à Dieu et entre dans la vie…
Le Mal par Cirdec.
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Annexes
Gn 2
4 Au jour de faire YHWH Elohim terre et cieux,
5 Tout buisson des champs n’était pas encore sur terre ; Et toute herbe des champs ne germait pas encore, Car YHWH Elohim n’avait pas encore fait pleuvoir sur l’adama ; Et pas d’adam pour cultiver l’adama.
6 Une vapeur s’élève de la terre, elle arrose toute la face de l’adama.
7 YHWH Elohim façonne l’adam, poussière de l’adama, il insuffle en ses narines haleine de vie: et c’est l’adam, un être vivant!
8 YHWH Elohim plante un jardin en Eden, à l’Orient. Il y place l’adam qu’il a façonné.
9 YHWH Elohim fait germer de l’adama tout arbre agréable à voir et bon à manger; Et l’arbre de vie au centre du jardin, Et l’arbre à connaître bon et mauvais.
10 Un fleuve sort de l’Eden pour arroser le jardin; De là il se divise en quatre têtes.
11 Le nom de l’un: Pishone, il contourne toute la terre de Hawila où se trouve de l’or
12 et l’or de ce pays est bon – Là sont le bdellium et la pierre d’onyx.
13 Le nom de deuxième fleuve: Guihône, il contourne la terre de Koush.
14 Le nom du troisième fleuve: Hideqel, il va à l’Orient d’Ashour. Le quatrième fleuve, c’est le Prath.
15 YHWH Elohim prend l’adam et l’établit dans le jardin d’Eden pour la cultiver et la garder.
16 YHWH Elohim ordonne à l’adam, disant: « de tout arbre du jardin tu mangeras/mangeras.
17 De l’arbre à connaître bon et mauvais, tu n’en mangeras pas, car du jour où tu en mangeras, de mort tu mourras ».
18 YHWH Elohim dit: « il n’est pas bon que l’adam soit seul ; Je lui ferai un secours comme-face-à-lui ».
19 YHWH Elohim façonne de l’adama tout vivant des champs, tout oiseau des cieux. Il (les) amène vers l’adam pour voir ce qu’il leur crie. Et tout vivant auquel l’adam crie: tel est son nom.
20 Et l’adam crie le nom de tout bétail, de tout oiseau des cieux et de tout vivant des champs. Et pour l’adam il ne trouve pas un secours comme-face-àlui.
21 YHWH Elohim fait tomber une torpeur sur l’adam. Il dort. Il prend un de ses côtés et sous lui referme la chair.
22 YHWH Elohim bâtit le côté qu’il a pris de l’adam en ishsha; il l’amène vers l’adam.
23 L’adam dit: « celle-ci (ou ceci) cette fois os de mes os et chair de ma chair. Celle-ci sera criée ishsha Car d’un îsh celle-ci est prise »
24 C’est pourquoi un îsh abandonne son père et sa mère; il colle à sa femme et ils sont pour une seule chair.
25 Tous deux sont nus; ils n’ont pas honte.
Gn 3
1 Le serpent était plus rusé que tout vivant des champs qu’avait fait YHWH Elohim. Il dit à la ishsha : »Soit ! Elohim l’a dit: vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin »
2 La ishsha dit au serpent: « nous mangerons le fruit des arbres du jardin. Du fruit de l’arbre au centre du jardin, Elohim a dit:
3 « vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, (de peur) que vous ne mourriez. »
4 Le serpent dit à la ishsha: « non vous ne mourrez pas de mort.
5 Car Elohim connaît: du jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme Elohim connaissant bon et mauvais. »
6 La ishsha voit que l’arbre est bon à manger, désirable pour les yeux, agréable l’arbre pour comprendre. Elle prend son fruit, elle mange. Elle donne aussi à son îsh avec elle. Il mange.
7 Les yeux des deux s’ouvrent. Ils connaissent qu’ils sont dénudés. Ils cousent des feuilles de figuier et se font des ceintures.
8 Ils entendent la voix de YHWH Elohim allant dans le jardin au souffle du jour. L’adam et sa ishsha se cachent de la face de YHWH Elohim au centre de l’arbre du jardin.
9 YHWH Elohim crie vers l’adam. Il lui dit: « Où es-tu? »
10 Il dit: « ta voix, je l’ai entendue dans le jardin et j’ai eu peur parce que je suis dénudé. Je me suis caché ».
11 Il dit: « Qui t’a informé que tu es dénudé? De l’arbre dont je t’avais ordonné de ne pas manger, as-tu mangé? »
12 L’adam dit : « La ishsha que tu as donnée avec moi, elle m’a donné de l’arbre ; J’ai mangé ».
13 YHWH Elohim dit à la ishsha: « qu’as-tu donc fait? »
14 YHWH Elohim dit au serpent: « parce que tu as fait cela, maudit toi plus que tout bétail, plus que tout vivant des champs. Sur ton ventre tu iras et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie.
15 J’inciterai l’hostilité entre toi et la ishsha, entre ton rejeton et son rejeton. Lui t’atteindra à la tête, tu l’atteindras au talon ».
16 A la ishsha il dit: « Je ferai abonder/abonder ta peine et tes grossesses. Dans la peine tu enfanteras des fils. Vers ton îsh ton désir ; lui, il te dominera. »
17 A Adam il dit: « Parce que tu as entendu la voix de ta femme et mangé de l’arbre dont je t’avais ordonné en disant: « tu n’en mangeras pas » Maudit l’adama à cause de toi. Dans la peine tu t’en nourriras tous les jours de ta vie.
18 Epine et chardon il fera germer pour toi, Tu mangeras l’herbe des champs.
19 A la sueur de tes narines tu mangeras le pain jusqu’à ton retour à l’adama dont tu as été pris. Car poussière tu es, à la poussière tu retourneras. »
20 L’adam crie le nom de sa femme: « Hawa », Vive, car elle est mère de tout vivant.
21 YHWH Elohim fait pour Adam et sa ishsha des tuniques de peau; il les en vêt.
22 YHWH Elohim dit: « Voici, l’adam est devenu comme l’un d’entre nous pour connaître bon et mauvais. Maintenant qu’il n’envoie pas sa main, ne
prenne aussi de l’arbre de vie, ne mange et ne vive à perpétuité. »
23 YHWH Elohim l’envoie hors du jardin d’Eden pour cultiver l’adama dont il est pris.
24 Il chasse l’adam. Il installe à l’Orient du jardin d’Eden les chérubim et la flamme de l’épée tournoyante pour garder la route de l’arbre de vie.
Annexe 2
Genèse 2, 4-25
יְהוָה אֱלֹהִים אֶרֶץ וְשָׁמָיִם ׃ אֵלֶּה תוֹלְדוֹת הַשָּׁמַיִם וְהָאָרֶץ בְּהִבָּרְאָם בְּיוֹם עֲשׂוֹת
עַל־הָאָרֶץ וְאָדָם אַיִן לַעֲבֹד אֶת־הָאֲדָמָה ׃ בָאָרֶץ וְכָל־עֵשֶׂב הַשָּׂדֶה טֶרֶם יִצְמָח כִּי לֹא הִמְטִיר יְהוָה אֱלֹהִים וְכֹל שִׂיחַ הַשָּׂדֶה טֶרֶם יִהְיֶה 4
מִן־הָאָרֶץ וְהִשְׁקָה אֶת־כָּל־פְּנֵי־הָאֲדָמָה ׃ וְאֵד יַעֲלֶה 5
וַיְהִי הָאָדָם לְנֶפֶשׁ חַיָּה ׃ אֱלֹהִים אֶת־הָאָדָם עָפָר מִן־הָאֲדָמָה וַיִּפַּח בְּאַפָּיו נִשְׁמַת חַיִּים וַיִּיצֶר יְהוָה 6
מִקֶּדֶם וַיָּשֶׂם שָׁם אֶת־הָאָדָם אֲשֶׁר יָצָר ׃ וַיִּטַּע יְהוָה אֱלֹהִים גַּן־בְּעֵדֶן 7
הַחַיִּים בְּתוֹךְ הַגָּן וְעֵץ הַדַּעַת טוֹב וָרָע ׃ אֱלֹהִים מִן־הָאֲדָמָה כָּל־עֵץ נֶחְמָד לְמַרְאֶה וְטוֹב לְמַאֲכָל וְעֵץ וַיַּצְמַח יְהוָה 8
׃ מֵעֵדֶן לְהַשְׁקוֹת אֶת־הַגָּן וּמִשָּׁם יִפָּרֵד וְהָיָה לְאַרְבָּעָה רָאשִׁים וְנָהָר יֹצֵא 9
אֲשֶׁר־שָׁם הַזָּהָב ׃ שֵׁם הָאֶחָד פִּישׁוֹן הוּא הַסֹּבֵב אֵת כָּל־אֶרֶץ הַחֲוִילָה 10
וְאֶבֶן הַשֹּׁהַם ׃ וּזֲהַב הָאָרֶץ הַהִוא טוֹב שָׁם הַבְּדֹלַח 11
כָּל־אֶרֶץ כּוּשׁ ׃ וְשֵׁם־הַנָּהָר הַשֵּׁנִי גִּיחוֹן הוּא הַסּוֹבֵב אֵת 12
קִדְמַת אַשּׁוּר וְהַנָּהָר הָרְבִיעִי הוּא פְרָת ׃ וְשֵׁם הַנָּהָר הַשְּׁלִישִׁי חִדֶּקֶל הוּא הַהֹלֵךְ 13
אֱלֹהִים אֶת־הָאָדָם וַיַּנִּחֵהוּ בְגַן־עֵדֶן לְעָבְדָהּ וּלְשָׁמְרָהּ ׃ וַיִּקַּח יְהוָה 14
וַיְצַו יְהוָה אֱלֹהִים עַל־הָאָדָם לֵאמֹר מִכֹּל עֵץ־הַגָּן אָכֹל תֹּאכֵל ׃ 15
מִמֶּנּוּ מוֹת תָּמוּת ׃ וּמֵעֵץ הַדַּעַת טוֹב וָרָע לֹא תֹאכַל מִמֶּנּוּ כִּי בְּיוֹם אֲכָלְךָ 16
הָאָדָם לְבַדּוֹ אֶעֱשֶׂהּ־לּוֹ עֵזֶר כְּנֶגְדּוֹ ׃ וַיֹּאמֶר יְהוָה אֱלֹהִים לֹא־טוֹב הֱיוֹת 17
נֶפֶשׁ חַיָּה הוּא שְׁמוֹ ׃ וַיָּבֵא אֶל־הָאָדָם לִרְאוֹת מַה־יִּקְרָא־לוֹ וְכֹל אֲשֶׁר יִקְרָא־לוֹ הָאָדָם אֱלֹהִים מִן־הָאֲדָמָה כָּל־חַיַּת הַשָּׂדֶה וְאֵת כָּל־עוֹף הַשָּׁמַיִם וַיִּצֶר יְהוָה 18
כְּנֶגְדּוֹ ׃ וּלְעוֹף הַשָּׁמַיִם וּלְכֹל חַיַּת הַשָּׂדֶה וּלְאָדָם לֹא־מָצָא עֵזֶר וַיִּקְרָא הָאָדָם שֵׁמוֹת לְכָל־הַבְּהֵמָה 19
וַיִּישָׁן וַיִּקַּח אַחַת מִצַּלְעֹתָיו וַיִּסְגֹּר בָּשָׂר תַּחְתֶּנָּה ׃ וַיַּפֵּל יְהוָה אֱלֹהִים תַּרְדֵּמָה עַל־הָאָדָם 20
וַיְבִאֶהָ אֶל־הָאָדָם ׃ וַיִּבֶן יְהוָה אֱלֹהִים אֶת־הַצֵּלָע אֲשֶׁר־לָקַח מִן־הָאָדָם לְאִשָּׁה 21
וּבָשָׂר מִבְּשָׂרִי לְזֹאת יִקָּרֵא אִשָּׁה כִּי מֵאִישׁ לֻקֳחָה־זֹּאת ׃ וַיֹּאמֶר הָאָדָם זֹאת הַפַּעַם עֶצֶם מֵעֲצָמַי 22
לְבָשָׂר אֶחָד ׃ עַל־כֵּן יַעֲזָב־אִישׁ אֶת־אָבִיו וְאֶת־אִמּוֹ וְדָבַק בְּאִשְׁתּוֹ וְהָיוּ 23
וְלֹא יִתְבֹּשָׁשׁוּ ׃ וַיִּהְיוּ שְׁנֵיהֶם עֲרוּמִּים הָאָדָם וְאִשְׁתּוֹ 24
25 Genèse 3, 1-24
אֶל־הָאִשָּׁה אַף כִּי־אָמַר אֱלֹהִים לֹא תֹאכְלוּ מִכֹּל עֵץ הַגָּן ׃ הָיָה עָרוּם מִכֹּל חַיַּת הַשָּׂדֶה אֲשֶׁר עָשָׂה יְהוָה אֱלֹהִים וַיֹּאמֶר וְהַנָּחָשׁ
וַתֹּאמֶר הָאִשָּׁה אֶל־הַנָּחָשׁ מִפְּרִי עֵץ־הַגָּן נֹאכֵל ׃ 1
תִגְּעוּ בּוֹ פֶּן־תְּמֻתוּן ׃ הָעֵץ אֲשֶׁר בְּתוֹךְ־הַגָּן אָמַר אֱלֹהִים לֹא תֹאכְלוּ מִמֶּנּוּ וְלֹא וּמִפְּרִי 2
תְּמֻתוּן ׃ וַיֹּאמֶר הַנָּחָשׁ אֶל־הָאִשָּׁה לֹא־מוֹת 3
וְנִפְקְחוּ עֵינֵיכֶם וִהְיִיתֶם כֵּאלֹהִים יֹדְעֵי טוֹב וָרָע ׃ כִּי יֹדֵעַ אֱלֹהִים כִּי בְּיוֹם אֲכָלְכֶם מִמֶּנּוּ 4
עִמָּהּ וַיֹּאכַל ׃ הָעֵץ לְהַשְׂכִּיל וַתִּקַּח מִפִּרְיוֹ וַתֹּאכַל וַתִּתֵּן גַּם־לְאִישָׁהּ הָאִשָּׁה כִּי טוֹב הָעֵץ לְמַאֲכָל וְכִי תַאֲוָה־הוּא לָעֵינַיִם וְנֶחְמָד וַתֵּרֶא 5
עֵירֻמִּם הֵם וַיִּתְפְּרוּ עֲלֵה תְאֵנָה וַיַּעֲשׂוּ לָהֶם חֲגֹרֹת ׃ וַתִּפָּקַחְנָה עֵינֵי שְׁנֵיהֶם וַיֵּדְעוּ כִּי 6
וַיִּתְחַבֵּא הָאָדָם וְאִשְׁתּוֹ מִפְּנֵי יְהוָה אֱלֹהִים בְּתוֹךְ עֵץ הַגָּן ׃ וַיִּשְׁמְעוּ אֶת־קוֹל יְהוָה אֱלֹהִים מִתְהַלֵּךְ בַּגָּן לְרוּחַ הַיּוֹם 7
וַיִּקְרָא יְהוָה אֱלֹהִים אֶל־הָאָדָם וַיֹּאמֶר לוֹ אַיֶּכָּה ׃ 8
׃ וַיֹּאמֶר אֶת־קֹלְךָ שָׁמַעְתִּי בַּגָּן וָאִירָא כִּי־עֵירֹם אָנֹכִי וָאֵחָבֵא 9
צִוִּיתִיךָ לְבִלְתִּי אֲכָל־מִמֶּנּוּ אָכָלְתָּ ׃ וַיֹּאמֶר מִי הִגִּיד לְךָ כִּי עֵירֹם אָתָּה הֲמִן־הָעֵץ אֲשֶׁר 10
הָאִשָּׁה אֲשֶׁר נָתַתָּה עִמָּדִי הִוא נָתְנָה־לִּי מִן־הָעֵץ וָאֹכֵל ׃ וַיֹּאמֶר הָאָדָם 11
הַנָּחָשׁ הִשִּׁיאַנִי וָאֹכֵל ׃ וַיֹּאמֶר יְהוָה אֱלֹהִים לָאִשָּׁה מַה־זֹּאת עָשִׂית וַתֹּאמֶר הָאִשָּׁה 12
עַל־גְּחֹנְךָ תֵלֵךְ וְעָפָר תֹּאכַל כָּל־יְמֵי חַיֶּיךָ ׃ כִּי עָשִׂיתָ זֹּאת אָרוּר אַתָּה מִכָּל־הַבְּהֵמָה וּמִכֹּל חַיַּת הַשָּׂדֶה וַיֹּאמֶר יְהֹוָה אֱלֹהִים אֶל־הַנָּחָשׁ 13
יְשׁוּפְךָ רֹאשׁ וְאַתָּה תְּשׁוּפֶנּוּ עָקֵב ׃ ס אָשִׁית בֵּינְךָ וּבֵין הָאִשָּׁה וּבֵין זַרְעֲךָ וּבֵין זַרְעָהּ הוּא וְאֵיבָה 14
וְאֶל־אִישֵׁךְ תְּשׁוּקָתֵךְ וְהוּא יִמְשָׁל־בָּךְ ׃ ס הַרְבָּה אַרְבֶּה עִצְּבוֹנֵךְ וְהֵרֹנֵךְ בְּעֶצֶב תֵּלְדִי בָנִים אֶל־הָאִשָּׁה אָמַר 15
כֹּל יְמֵי חַיֶּיךָ ׃ לֹא תֹאכַל מִמֶּנּוּ אֲרוּרָה הָאֲדָמָה בַּעֲבוּרֶךָ בְּעִצָּבוֹן תֹּאכֲלֶנָּה כִּי־שָׁמַעְתָּ לְקוֹל אִשְׁתֶּךָ וַתֹּאכַל מִן־הָעֵץ אֲשֶׁר צִוִּיתִיךָ לֵאמֹר וּלְאָדָם אָמַר 16
אֶת־עֵשֶׂב הַשָּׂדֶה ׃ וְקוֹץ וְדַרְדַּר תַּצְמִיחַ לָךְ וְאָכַלְתָּ 17
אֶל־הָאֲדָמָה כִּי מִמֶּנָּה לֻקָּחְתָּ כִּי־עָפָר אַתָּה וְאֶל־עָפָר תָּשׁוּב ׃ בְּזֵעַת אַפֶּיךָ תֹּאכַל לֶחֶם עַד שׁוּבְךָ 18
וַיִּקְרָא הָאָדָם שֵׁם אִשְׁתּוֹ חַוָּה כִּי הִוא הָיְתָה אֵם כָּל־חָי ׃ 19
וַיַּלְבִּשֵׁם ׃ פ וַיַּעַשׂ יְהוָה אֱלֹהִים לְאָדָם וּלְאִשְׁתּוֹ כָּתְנוֹת עוֹר 20
הַחַיִּים וְאָכַל וָחַי לְעֹלָם ׃ מִמֶּנּוּ לָדַעַת טוֹב וָרָע וְעַתָּה פֶּן־יִשְׁלַח יָדוֹ וְלָקַח גַּם מֵעֵץ וַיֹּאמֶר יְהוָה אֱלֹהִים הֵן הָאָדָם הָיָה כְּאַחַד 21
מִגַּן־עֵדֶן לַעֲבֹד אֶת־הָאֲדָמָה אֲשֶׁר לֻקַּח מִשָּׁם ׃ וַיְשַׁלְּחֵהוּ יְהוָה אֱלֹהִים 22
הַחֶרֶב הַמִּתְהַפֶּכֶת לִשְׁמֹר אֶת־דֶּרֶךְ עֵץ הַחַיִּים ׃ ס אֶת־הָאָדָם וַיַּשְׁכֵּן מִקֶּדֶם לְגַן־עֵדֶן אֶת־הַכְּרֻבִים וְאֵת לַהַט וַיְגָרֶשׁ 23